samedi 30 août 2008

Toussaint Louverture par Danny Glover

L'acteur américain Danny Glover va réaliser son premier film. Et le sujet n'est pas mince, puisqu'il va s'agir d'un biopic sur le quasi-mythique révolutionnaire haïtien Toussaint Louverture, père de l'indépendance haïtienne (première colonie au monde libérée par son peuple).

Le sujet, les acteurs principaux et le financement très décrié outre-Alantique de ce film-hommage le place déjà dans mon panthéon cinématographique... Danny nous déçoit pas !


Dans le rôle de Toussaint Louverture, les sources varient entre Wesley Snipes (pour la plupart des sites et magazines spécialisés) ou Don Cheadel (pour le site de référence sur le cinéma, imdb). Angela Basset devrait tenir le rôle de sa femme (elle avait déjà brillamment incarnée celle de Malcolm X, Betty Chabbazz) ; on devrait aussi y trouver Roger Guenveur Smith (vu dans différents Spike Lee ou dans Panther de Mario VanPeebles), Chiwetel Ejiofor (Children of Men, Inside Man...) ou encore le rappeur Mos Def.

Au ébut du projet, Danny Glover cherche des financements pour mettre sur pied son projet de biopic. Mais les producteurs ne se bousculent pas : « Je n’ai pas pu obtenir d’argent ici [aux Etats-Unis], je n’ai pas pu obtenir d’argent en Grande-Bretagne. Je suis allé voir tout le monde. Vous ne croiriez pas le nombre de producteurs basés en Europe et aux États-Unis que j’ai approché. » Intéressé et publiquement favorable à la "révolution bolivarienne", Danny Glover se tourne alors vers le Venezuela et la "Villa del Cine", organisme culturel public lancé en 2006 par le gouvernement de Hugo Chavez avec l'objectif de combattre « la dictature cinématographique de Hollywood ». Résultat, le film est doté d'un budget de 30 millions de dollars, dont près des deux tiers par la "Villa del Cine". En plus, le film sera tourné au Venezuela.

Toussaint Louverture (1743-1803) est particulièrement emblématique des luttes de libération nationale et un personnage héroïque pour les Afro-Américains (au même rang que Patrice Lumumba, l'éphémère premier ministre de la République du Congo). Toussaint Louverture représente les combats pour l'émancipation des Noirs car il est le représentant et le dirigeant militaire de la Révolution haïtienne qui abolit réellement l'esclavage et démit successivement les armées espagnoles, anglaises et françaises. De nombreuses biographies sont disponibles pour en savoir plus sur ce révolutionnaire qui a fait date, dont une écrite par le régretté Aimé Césaire.

jeudi 28 août 2008

The Boondocks, le comic politiquement incorrect

Pour continuer dans les bandes dessinées qui tournent autour de la culture afro-américaine, on quitte la BD franco-belge (dont sont issus les deux titres présentés ci-dessous) direction Los Angeles, California, United States of America ; c'est là que réside Aaron McGruder, le talentueux dessinateur des Boondocks.


The Boondcoks (en France aux éditions Dargaud) est publié quotidiennement depuis 1999 dans plusieurs journaux étasuniens -dont le Washington Post- sous forme de comic strip de une à deux lignes. Mc Gruder utilise un trait très simple, des cases très épurées se limitant souvent à un ou deux personnages. Un style apparemment des plus simplistesqui rappelle Mafalda ; mais comme la BD de Quino, The Boondocks est critique, acerbe, pertinent, ironique. Une oeuvre étonnante au pays de Georges Walker Bush.


A ce jour, 6 tomes sont parus : 1- Parce que je sais que tu ne lis pas le journal... 2- Libérez Jolly Jenkins! 3- Je suis presque sûr que Moïse ne portait pas de flingue. 4- Il me semble que le destin ait un sens de l'ironie. 5- Ma femme est blanche et elle me déteste. et 6- Meurs, Hollywood!

La trame de fond, c'est l'arrivée dans une banlieue "middle class" -Woodcrest- de la famille Freeman, le grand-père qui veut couler des jours paisibles pour sa retraite et ses deux petits-fils, Huey et Riley. Huey, 10 ans, c'est le révolutionnaire afro-américain nourris aux thèses de Frantz Fanon et de Malcolm X, disciple du Black Panther Party et pourfendeur du "nouvel ordre mondial" ; son petit frère, Riley "Escobar" Freeman, au niveau des références c'est plutôt 2Pac et 50Cents, les clips RnB et la passion des armes... Tout ça dans un Woodcrest aux habitants plus Wisteria Lane que Lenox Avenue, avec son école J. Hedgar Hoover (le dirigeant quasi indéboulonnable du FBI dans les années 50 et 60 qui mit en place le plan "cointelpro" pour éliminer le parti des Black Panthers) et ses rues aux noms champêtres (que Riley va s'empresser de rebaptiser en "Notorious B.I.G. Avenue" ou "Wu-Tang Lane").



Avec toute une galaxie de personnages secondaires, le couple "mixte" Tom DuBois et sa femme Sara : militants à la NAACP, exemple de l'intégrationnisme le plus béat, leur fille Jazmine déteste sa coupe afro, ne connaît rien à Kwanzaa malgrès les leçons de Huey ; la petite blanche Cindy McPhearson qui croit aimer les Noirs parce qu'elle aime "Puffy" et n'en avait jamais rencontré avec l'arrivée des Freeman...
Les références sont multiples : de la culture afro (BPP, blaxploitation, soul, hip-hop,...) et ses avatars commerciaux et dégénérés (la chaîne BET, les clips misogynes, les stars du showbiz,...) à StarWars, en passant par la politique étasunienne ; sur ce dernier point The Boondocks est particulièrement intéressant puisque, publié quotidiennent il relate à sa façon les élections présidentielles de 2000 entre Bush et AlGore (Sara et Tom DuBois se déchirent sur le vote AlGore ou Nader) et aussi le 11 septembre ; le ton devient plus sombre et McGruder attaque sans concession la politique de G.W. Bush et des ses faucons. Plusieurs épisodes seront censurés, l'auteur attaqués de toute parts...




En attendant et en espérant avec ferveur de nouveaux tomes à paraître, il faut absolument se ruer sur ceux déjà disponibles !!

jeudi 21 août 2008

Une BD "blax" ? C'est possible !

Y a des fois, comme ça, où l’on farfouille chez son libraire, pas pour chercher quelque chose ; juste pour farfouiller et avec le secret espoir de trouver LE truc qui va ensoleiller notre morne semaine.
Et là, paf, le truc !!! La BD qui paye pas de mine. Inner City Blues. Un bijou ! Un de ces trucs qui dépasse la ferveur du fan, une oeuvre d’art qui regorge de clins d’œil, qui transpire l’amoureux de la musique, le cinéphile assumé. Un de ces trucs que j’aurais aimé créer si j’avais un quelconque talent artistique.


Inner City Blues


Editée chez Vents d'Ouest, cette trilogie est donc un petit régal. Brüno au dessin et Fatima Ammari B.
Trois albums aux titres en guise d'amuse-gueule : Arnold & Willie, Priest (héros immortel du cultissime Superfly) et Yaphet Kotto (parain d'une mafia, homonyme du grand acteur afro-américain qui partagea -excusez du peu- l'affiche avec Anthony Quinn dans Across 110th Street dont chacun connaît sans forcément le savoir le thème de Bobby Womack, repris dans Jacky Brown). Chaque album suit un personnage différent, avec une trame de fond identique : un gros deal entre Yaphet Kotto et Priest, dans une ville de la côte est des Etats-Unis en 1972.
Le dessin, étrange au premier abord, rend de façon sublime l'ambiance soul et urbaine ypique des 70s et de la . Des centaines de détails attirent (ou pas) l'oeil averti : pochettes de disques, pubs, séries TV, devantures de cinéma de quartier... Une foultitude de noms qui rappellent ceux (plus ou moins connus) de la blaxploitation et plus généralement de la culture afro-américaine ; on croise des Williamson, Roundtree et autres Chester Himes ou Cassisus, des pochettes de vinyls ou des affiches de Curtis Mayfield à Albert King en passant par la BO de Space In Da Place. Bref, un vrai plaisir d'esthète à se procurer au plus vite.


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Harlem



Dans la même veine, toujours chez Vents D'Ouest, par Brremaud et Duhamel, la série Harlem compte à ce jour deux tomes (Le Guépard intrépide et Le Monstre de San Pedro).
Un peu en deça de la série précédente, Harlem reste une agréable curiosité avec ses trois personnages principaux bien croqués et ses seconds rôles typiques des polars urbains blax' : vieux alcoolos, boxeurs, mafia italienne et flics ripoux. Et encore et toujours une myriades de clins d'oeil...

Le dessin précis et stylé permet à l'auteur de nous offrir des guests parfaitement reconnaissables. Les plans larges de New York sont parfaits et parsemés d'affiches de cinéma ou de concerts...

A lire.

R.I.P. Soul Brother

Eh, oui, cet été, le grand Isaac Hayes nous a quitté.
Ça se passe de commentaire, ça fait juste un p'tit quelque chose au bide...

Alors...

Alors, on se replonge dans sa disco, on se rematte Shaft ou sa prestation cultissime dans Wattstax. Et puis on se remet un CD, et ça continue...


Isaac Hayes - Theme from Shaft

Shaft

"- Who's the black private dick
that's a sex machine to all the chicks ?
- Shaft !"
C'est sur cette chanson mythique de feu Isaac Hayes que débute le premier film du héros le plus représentatif du cinéma de blaxploitation : Shaft (titré Les nuits rouges de Harlem pour la sortie française).
SHAFT - Gordon Parks (1971)

John Shaft (Richard Roundtree) est un détective privé qui officie à Harlem. Il est engagé par Bumpy Jonas (Moses Gunn), un gros caïd qui fait dans la prostitution et la drogue, pour retrouver sa fille kidnappéé, semble-t'il, par Ben Buford (Christopher St. John) et ses hommes qui composent un groupe de militants "Black Power". Bien qu'il n'aime pas beaucoup les activités de Bumpy, Shaft accepte la mission contre un salaire plus que correct.
Il met à contribution son réseau d'indics et sa connaissance de Harlem pour retrouver Ben. Lorsqu'il met la main dessus, le groupe de militants et Shaft sont victimes d'une fusillade... Et, entre le témoignage de Ben et les informations de l'inspecteur Androzzi (Charles Cioffi), Shaft comprend que la fille de Bumpy a été en fait enlevée par la mafia, passablement énervée de voir le caïd local lui raffler ses parts de marché...
Alors que la MGM était au bord de la faillite, le salut vient d'un petit photographe moustachu qui a l'idée d'adapter un roman à succès d'Ernest Tidyman ; ce dernier co-écrit le scénario avec John D.F. Black (scénariste de séries, on lui doit aussi Trouble Man).
Gordon Parks a réalisé deux ans avant The Learning Tree, un drame biographique poignant, mais la consécration lui vient de ce film emblématique d'une époque, et annonciateur de la déferlante de productions afro-américaines : la blaxploitation !

On comprend aisément le succès tant communautaire que "grand public" de ce film. Le rythme est soutenu, l'action bien maîtrisée, l'intrigue tient la route et les personnages secondaires sont bien trouvés ; rajoutons à ça la musique, véritable personnage du film, envoutante et qui colle si parfaitement aux situations... et tous les ingrédients d'un bon polar sont réunis.
Ce qui en fait un film quasi-cathartique pour la jeunesse afro-américaine c'est que jusqu'alors les points positifs que je viens d'égrainer s'appliquaient à des héros blancs pour un public blanc. Or voilà que déboule un super héros afro-américain, qui vient de la rue et ne s'en laisse pas compter, un héros qui couche avec des femmes (et des Blanches !), aide la communauté, lutte et triomphe des mauvais Blancs...

La scène d'ouverture condense tout ce qui fera l'identité de la blaxploitation : héros intrépide aux manières de bad boy, déambulation urbaine avec son cortège de commerces et d'enseignes lumieuses (jusqu'à barbershop, commerce représentatif entre tous pour les Afro-Américains), musique omniprésente signée d'une star de la soul)...
Si le film n'est pas politique au premier chef, la nouvelle image des Afro-Américains qu'il véhicule est tout de même un fait politique, comme la traduction sur grand écran du slogan Black is beautiful !
Shaft est donc un grand classique de la blaxploitation et même du cinéma des 70s, facile d'accès pour se lancer dans la Blaxploitation avec une BO de rêve par Isaac Hayes, une intrique qui tient la route, un héros qui a la classe incarné par Richard Roundtree ; le rôle qui lui collera à la peau (dans trois autres films : Shaft's Big Score, Shaft in Africa et Shaft 2000 et une série TV de 7 épisodes). Outre Moses Gunn, déjà connu, le casting regorge d'actrices  et d'acteurs qui font leurs premiers pas dans la blaxploitation et qui réapparaîtrons souvent : Antonio Fargas, Tony King, Al Kirk, Ed Bernard, Tommy Lane, Lee Steele, Alan Weeks, Gertrude Jeannette... Christopher St. John quant à lui écrit, réalise et joue dans le très bon Top of the Heap.
A signaler aussi la présence Drew Bundini Brown, proche de Muhammad Ali ; entraineur et soigneur, il serait même l'auteur du célèbre "Float like a butterfly, sting like a bee", Jamie Foxx lui prête ses traits dans le Ali de Mickael Mann. Drew Bundini Brown eut sa petite carrière d'acteur : on le retrouve dans Aaron Loves Angela, The Greatest, Penitentiary III ou encore The color Purple de Spielberg.

Il existe un court documentaire sur le tournage de Shaft : Soul on Cinema, Filming Shaft on Location.