vendredi 26 mars 2010

Sounder

Vingt avant La couleur pourpre, Sounder est un drame qui prend comme fond la vie d'Afro-Américains dans le Sud au début du siècle. A l'opposé du film de Spielberg, loin des fioritures et du racisme latent, ce film trop peu connu de Martin Ritt est tout en finesse, en émotion et en respect...

SOUNDER - Martin Ritt (1972)





Louisianne, 1933. Les Morgan (Paul Winfield et Cicely Tyson), des métayers afro-américains vivent dans leur ferme avec leurs trois enfants et leur chien, Sounder. Une vie difficile dans un Sud raciste, où les Noirs subissent plus durement encore les conséquences de la crise de 1929.

Mais la quiétude de la petite famille tourne court avec l'arrestation de Nathan pour le vol d'un porc. Il est condamné à de la prison et envoyé en camp de travail.
Le jeune David (Kevin Hooks) traverse le pays -avec le chien Sounder- pour rendre visite à son père au camp de travail... il fait la rencontre d'une institutrice.
Un film poignant, sans manichéisme et sans effet de style excessif. Ritt prend son temps, il filme des scènes de vie quotidienne avec une retenue bienvenue, s'appesantit sur les paysages, joue avec les couleurs et les ombres ; le bluesman Taj Mahal compose une très belle partition (et agrémente le film de ses apparitions en chanson). Le résultat est tout bonnement splendide.
Le chien qui donne son titre au film est une allégorie, il représente la famille Morgan qui tient bon et persévère malgré les blessures. Mais le véritable héros, c'est Kevin Hooks, un enfant perdu dans le monde des adultes.Les deux acteurs principaux, Winfield et Tyson, seront nominés aux Oscars (mais l'époque n'était pas encore à récompenser les Afro-Américains avec de tels prix), ainsi que le scénariste Lonne Elder III (pour son adaptation du livre éponyme). Il y a aussi Janet MacLachlan, qui s'était jusqu'alors distinguée dans des seconds rôles dans Up Tight !, Halls of Anger et ...tick... tick... tick...
A part ces acteurs principaux, pas de noms récurrents de la blax' dans le casting (la plupart des acteurs, Blancs et Noirs, sont des habitants des villes de Louisiane où est tourné le film et jouent leur propre rôle). Par contre on retrouve quelques techniciens tel que le directeur de casting Joe Scully et le perchman Robert Rogow.

Le film aura droit à une suite 4 ans plus tard (la famille Morgan est toujours présente, mais les acteurs sont complètement changés). En 2004, Kevin Hooks, devenu réalisateur (notamment de séries TV ou de films tels que Strictly Business , Fled ou Passenger 57), fera un remake télévisé où l'on retrouve Paul Winfield.

mardi 23 mars 2010

Amistad

Deuxième incursion de Spielberg, après l'infâme Couleur pourpre, dans l'histoire des Afro-Américains avec une fresque gargantuesque et sirupeuse sur l'esclavage. On est loin des stéréotypes racistes omniprésents dans The Color Purple, mais le film est moins centré sur la dénonciation de l'esclavage que sur la magnificence des Etats-Unis d'Amérique et la valeur de sa Justice et de sa Démocratie.

AMISTAD - Steven Spielberg (1995)


1839, La Amistad, un bateau négrier espagnol fait voile vers le Nouveau Monde avec sa cargaison d'esclaves. Menée par Cinque (Djimon Hounsou), une révolte des esclaves leur permet de prendre les commandes du vaisseau et ils tentent de retourner en Afrique... Mais, proche des côtes américaines, il est arraisonné tandis que les esclaves sont emprisonnés.
L'Espagne réclame son bien alors que Roger Baldwin -un jeune avocat flanqué de son majordome/secrétaire Joadson (Morgan Freeman)- défend les esclaves et demande pour eux le statut de réfugiés. S'ensuivent plusieurs procès pour tenter de démontrer que ces naufragés ne sont pas des marchandises.


Steven Spielberg est un bon réalisateur, que l'on aime ou pas ses films, il n'y a pas vraiment matière à discussion sur ce point. Par contre c'est bien les sujets qu'il choisit et la façon dont il les traite que la critique -française en particulier- a toujours été plutôt indulgente avec lui.
Pour les points positifs, Spielberg filme sans fard l'horreur de l'esclavage, la puanteur des cales et les traîtements bestiaux des négriers.
Par contre, la narration est d'une platitude hollywoodienne attendue (longs flash-back, procès-fleuve et scènes de plaidoiries interminables, foules haineuses au début et humanistes à la fin, le bon sauvage prononçant ses premiers mots anglais en scandant "liberté", les esclaves trouvant dans la Bible espoir et matière à l'apprentissage de la lecture, grande morale finale de Anthony Hopkins de plus de dix minutes...).Plus qu'un brûlot anti-esclavagiste, Amistad est en fait une ode à la bourgeoisie blanche libérale aux Etats-Unis, grand timonier de la liberté. Amistad n'est pas l'histoire d'un combat d'esclaves pour leur liberté, c'est plutôt la mise en image d'une vision fantasmée et idéaliste du prétexte donnés par quelques capitalistes blancs pour imposer l'industrialisation et la fin de l'esclavage aux Etats du Sud quasi-féodaux.
Spielberg ne fait pas le procès de l'Amérique esclavagiste, mais le procès de l'Espagne pourvoyeuse d'esclave; il n'a pas choisi de filmer la vie de Natt Turner (qui mena en Virginie la plus grande révolte d'esclave), ni de montrer la vie dans les plantations américaines ; au contraire, il choisit des esclaves appartenant aux Espagnols, des esclaves sur le sol cubain qui deviennent libres sur les sol américain (nous n'échappons pas à la morale appuyée sur l'indépendance de la Justice américaine !).

La preuve ultime de l'aspect secondaire des esclaves dans cette histoire se trouve dans l'ordre du générique : le personnage principal Cinque/Djimon Hounsou (finalement préféré Isaach De Bankolé) n'y est crédité qu'en quatrième position. Par ailleurs, à signaler la présence du reconnaissable et excellent acteur Pete Postlethwaite (habitué des films sociaux anglais).
Coté équipe technique, le monteur Michael Kahn, habitué des films de Spielberg après avoir collaboré à pas mal de films blax', et Ruth E. Carter la costumière de presque tous les films de Spike Lee.

Amistad

Deuxième incursion de Spielberg, après l'infâme Couleur pourpre, dans l'histoire des Afro-Américains avec une fresque gargantuesque et sirupeuse sur l'esclavage. On est loin des stéréotypes racistes omniprésents dans The Color Purple, mais le film est moins centré sur la dénonciation de l'esclavage que sur la magnificence des Etats-Unis d'Amérique et la valeur de sa Justice et de sa Démocratie.

AMISTAD - Steven Spielberg (1995)


1839, La Amistad, un bateau négrier espagnol fait voile vers le Nouveau Monde avec sa cargaison d'esclaves. Menée par Cinque (Djimon Hounsou), une révolte des esclaves leur permet de prendre les commandes du vaisseau et ils tentent de retourner en Afrique... Mais, proche des côtes américaines, il est arraisonné tandis que les esclaves sont emprisonnés.
L'Espagne réclame son bien alors que Roger Baldwin -un jeune avocat flanqué de son majordome/secrétaire Joadson (Morgan Freeman)- défend les esclaves et demande pour eux le statut de réfugiés. S'ensuivent plusieurs procès pour tenter de démontrer que ces naufragés ne sont pas des marchandises.


Steven Spielberg est un bon réalisateur, que l'on aime ou pas ses films, il n'y a pas vraiment matière à discussion sur ce point. Par contre c'est bien les sujets qu'il choisit et la façon dont il les traite que la critique -française en particulier- a toujours été plutôt indulgente avec lui.
Pour les points positifs, Spielberg filme sans fard l'horreur de l'esclavage, la puanteur des cales et les traîtements bestiaux des négriers.
Par contre, la narration est d'une platitude hollywoodienne attendue (longs flash-back, procès-fleuve et scènes de plaidoiries interminables, foules haineuses au début et humanistes à la fin, le bon sauvage prononçant ses premiers mots anglais en scandant "liberté", les esclaves trouvant dans la Bible espoir et matière à l'apprentissage de la lecture, grande morale finale de Anthony Hopkins de plus de dix minutes...).Plus qu'un brûlot anti-esclavagiste, Amistad est en fait une ode à la bourgeoisie blanche libérale aux Etats-Unis, grand timonier de la liberté. Amistad n'est pas l'histoire d'un combat d'esclaves pour leur liberté, c'est plutôt la mise en image d'une vision fantasmée et idéaliste du prétexte donnés par quelques capitalistes blancs pour imposer l'industrialisation et la fin de l'esclavage aux Etats du Sud quasi-féodaux.
Spielberg ne fait pas le procès de l'Amérique esclavagiste, mais le procès de l'Espagne pourvoyeuse d'esclave; il n'a pas choisi de filmer la vie de Natt Turner (qui mena en Virginie la plus grande révolte d'esclave), ni de montrer la vie dans les plantations américaines ; au contraire, il choisit des esclaves appartenant aux Espagnols, des esclaves sur le sol cubain qui deviennent libres sur les sol américain (nous n'échappons pas à la morale appuyée sur l'indépendance de la Justice américaine !).

La preuve ultime de l'aspect secondaire des esclaves dans cette histoire se trouve dans l'ordre du générique : le personnage principal Cinque/Djimon Hounsou (finalement préféré Isaach De Bankolé) n'y est crédité qu'en quatrième position. Par ailleurs, à signaler la présence du reconnaissable et excellent acteur Pete Postlethwaite (habitué des films sociaux anglais).
Coté équipe technique, le monteur Michael Kahn, habitué des films de Spielberg après avoir collaboré à pas mal de films blax', et Ruth E. Carter la costumière de presque tous les films de Spike Lee.

samedi 20 mars 2010

L'image des Noirs dans la BD

Un ouvrage sur un sujet étonnamment inédit : Images noires, la représentation des Noirs dans la bande dessinée mondiale, par Fredrik Strömberg, édité chez PLG.
L'auteur suédois décortique les représentations des Noirs dans la bande dessinée occidentale depuis le XIXème siècle jusqu'à nos jours.
Comme dans les "banned cartoons", ces dessins animés -souvent d'auteur de renom- mettant en scène des stéréotypes d'Africains ou d'Afro-Américains, et véhiculent même une idéologie raciste que j'ai plusieurs fois évoqué ; comme le cinéma hollywoodien, de Birth of a nation à La Couleur Pourpre, en passant par Autant en emporte le vent ou Guess Who's Coming to Diner ; Stromberg met à jour une récurrence des personnages : l'indigène, l'oncle Tom, le coon, le picanniny, la mammy, le mulâtre tragique et le black buck (on retiendra que le Suédois reprend là la classification de l'historien du cinéma Donald Bogle).
L'étude n'est pas exhaustive mais a le mérite d'exister, et l'on se rend compte que ce thème n'a jamais été traité, même aux Etats-Unis.

La BD est passée au crible : les premières bandes apparues dans les quotidiens du XIXème siècle, le petit Sambo (qui a eu droit son adaptation animée), Felix-le-chat, Pim, Pam, Poum, Hergé et son Tintin au Congo, Franquin et ses pygmées caricaturaux (étonnant quand on connait cet auteur plutôt progressiste), les Peanuts, Black Panther, Tornade et Luke Cage de Marvel, le comic Friday Foster (dont l'héroïne fut jouée par Pam Grier, dans le film éponyme), Hugo Pratt, les Boondocks d'Aaron McGruder...
On découvre aussi un grand nombre de titres inconnus, d'anecdotes, de BD scandinaves (l'auteur est Suédois).

Par contre, difficile de ne pas porter quelques critiques : l'auteur ne connaît peu -ou ne le montre pas- l'histoire des mouvements des Afro-Américains, le livre est truffé d'imperfections historiques et d'anachronismes. Evoquant la blaxpoitation, l'auteur lâche les préjugés habituels de quelqu'un qui n'a jamais vu un film excepté (et encore !) Shaft, explique en minimisant le phénomène qu'il y a eu une soixante de films de ce genre (alors c'est sept fois plus, en moins d'une décennie)... Ces imperfections n'en rendent pas moins ce livre fort intéressant.

Un livre qu'il faut avoir dans sa bibliothèque lorsqu'on s'intéresse au sujet et la bande dessinée...

mercredi 17 mars 2010

Welcome Home, Roscoe Jenkins

Rare sur les écrans, voilà Margaret Avery dans une comédie de Malcolm D. Lee...

WELCOME HOME, ROSCOE JENKINS
Malcolm D. Lee (2008)

Le couple people par excellence ? C'est bien sûr le présentateur de talk-show R.J. Stevens et Bianca Kittles (Martin Lawrence & Joy Bryant), ancienne gagnante de Survivor.
R.J. n'a pas vu ses parents (James Earl Jones & Margaret Avery) depuis 9 ans, et sa moitié le convainc de se rendre en Georgie pour leurs noces d'or... et d'en faire un show de téléréalité qui renforcerait un peu plus leur côte de popularité.
Premier choc pour Bianca : son futur mari s'appelle en fait Roscoe Junior Jenkins. Deuxième choc : les pratiques culturelles et culinaires de la famille Jenkins ! Quant au troisième problème, c'est l'arrivée de la belle Lucinda et de Clyde (Nicole Ari Parker et Cedric the Entertainer), respectivement l'amour et le rival d'enfance de Roscoe...
Scénariste et réalisateur, Malcolm D. Lee présente une comédie plus intéressante qu'il n'y paraît. Il avait livré le drôlissime Undercover Brother et le très étonnant Roll Bounce. Ici, on s'amuse avec une sorte de dissertation sur le décalage entre la bourgeoisie parvenue afro-américaine et la culture populaire. Doté d'un solide budget de 27,5 millions, il double presque la mise réussissant ainsi ; par contre la critique

Le personnage campé par Martin Lawrence est moins exubérant et lourdingue que dans ses autres compositions (comme le catastrophique Black Knight), il est plutôt dans un rôle de père de famille plan-plan comme dans College Road Trip. Lawrence surjoue et grimaçe comme à son habitude, mais Malcol D. Lee ne base pas son film sur les uniques performances de son acteur principal.
Ainsi es membres de la famille Jenkins, et leurs interprètes bien choisis, viennent donner du relief au héros et donnent vie à ce choc des cultures entre les manières précieuses et individualistes du couple médiatique et le mode de vie populaire et familial : bio, végétalisme, yoga et soccer contre travers de porcs ruisselant de graisse, pâtisseries, bacon fris, cornbread et baseball ! Le casting est parfait : le grand James Earl Jones -acteur majeur mais sous-utilisé et trop souvent limité à la mythique voix de Dark Vador- et la rare Margaret Avery (Cool Breeze, Hell Up in Harlem, The Fish That Saved Pittsburgh, The Color Purple, Meet the Browns...) campent les parents authentiques ; Mo'Nique, Mike Epps et Michael Clarke Duncan jouent les cousins du cru et Nicole Ari Parker le fantasme adolescent. Quant à Cedric the Entertainer (Ride, Big Momma's House, The Original Kings of Comedy, Kingdom Come, les Barbershop, The Honeymooners, Talk To Me et prête sa voix dans Dr. Dolittle 2, Ice Age, les Madagascar ou encore la série animée The Proud Family) il entre à merveille dans son rôle de trouble-fête

Bien sûr, y a quelques blagues un peu pataudes et gratuitement graveleuses, mais l'ensemble est de mon point de vue réussi (surtout comparé à ce type de film choral où l'on se perd trop souvent dans la multitude de personnages annexes).

jeudi 11 mars 2010

The Color Purple

Puisque dans le billet précédent, j'évoquais Margaret Avery, voilà une fiche sur son plus grand rôle, celui de Shug Avery, dans La Couleur pourpre. Spielberg adaptate un roman d’Alice Walker, écrivaine noire féministe qui reçut le prix Pullitzer pour ce roman. Selon John Baxter -biographe de Spielbeg- le film à sa sortie « est attaqué de toutes parts : il est taxé de raciste par les Afro-Américains, d’homophobe par les lesbiennes outrées que Spielberg ait occulté cet aspect du roman, et de sirupeux pour la plupart des critiques, jugeant que la dénonciation par Alice Walker de la violence et du racisme a été transformée en film new age gnangnan ». Pourtant, The Color Purple rapporte 14 millions de dollars (dont 9,5 millions aux Etats-Unis) et reçoit onze nominations aux Oscars.

THE COLOR PURPLE - Steven Spielberg (1985)


Le Vieux Sud du début du XXème siècle. Célie est une jeune fille ; son père la viole dès son plus jeune âge et il est aussi le père de ses propres enfants. A l’âge de 14 ans, elle est séparée de ses enfants puis de sa soeur Nettie.
Celie (Whoopie Goldberg) vit sa vie en servant Monsieur (Danny Glover), son mari, qui la traite comme une esclave.
La petite famille s'agrandit, Harpo, le fils un peu simplet de Monsieur se marie avec la volubile Sophia (Oprah Winfrey) ; Celie se lie d'amitié avec Shug (Margaret Avery), la maîtresse de Monsieur, qui va la pousser à ne pas se laisser faire...

Avec ce film, Spielberg remet en scène des caricatures oubliées depuis des années (voir mon billet sur Donald Bogle).
Une sorte d'Oncle Tom au féminin, Celie. Quelque soit son âge (elle a entre 12 et 50 ans, du début à la fin du film), elle est montrée un peu enfantine, dans ses vengeances ou ses moments de rébellion : elle crache -en cachette- dans le verre d’eau de « Monsieur-Père » qu’elle déteste et lui fait boire comme si de rien n’était, elle lit en cachette les lettres retrouvées de sa soeur Nettie… Mais la rébellion, la lutte, sont des états impossibles pour elle. Elle l’avoue même : « Je sais pas me battre. Moi, tout ce que je sais, c’est rester en vie. »

A l’opposé de Celie, Spielberg renoue avec les aunt jemina, les nounous avec le personnage de Sofia (Oprah Winfrey magistrale dans son premier long métrage), la femme de Harpo. Femme forte, elle n’hésite pas tenir tête à Monsieur, à ne rien se laisser dicter par son mari, le quitter quand il la bat et s’afficher avec un autre homme. Mais elle part en prison et en ressort le dos voûté, la tête pendante -elle a « adopté » les caractéristiques physiques des figures noires du début du siècle...
C’est donc un personnage, dans un premier temps, révolté que nous a montré Spielberg, mais c’est aussi un personnage qui est cassé pour avoir fait preuve de révolte. C’est le cas de nombreux Noirs révoltés portés à l’écran : « le discours de ces films hollywoodiens tend à condamner les héros noirs trop revendicatifs ; lorsque le personnage sort un peu du "modèle Tom", il est rapidement éliminé (Coalhouse Walker dans Ragtime, Biko dans Cry Freedom) ou sévèrement puni (Sophia dans La Couleur Pourpre). Finalement, au même titre que les autres, ces personnages ne représentent pas une menace pour la société. » (Régis Dubois, Images du Noir dans le cinéma américain blanc (1980-1995)).


Autre figure tirée de la mythologie raciste hollywoodienne, celui de la tragic mullattoe, littéralement la "mulâtresse tragique", femme métisse indépendante et à la sexualité débridée (ce qui n'est pas un point positif dans le cinéma hollywoodien).
Celui aussi des coons, avec Harpo : élément comique par sa niaiserie, ses yeux vides et quasi-exorbités, incapable de faire quelque chose de ses mains, soumis à son père d’une part, et sa femme Sofia. Il tente de la battre, pour être lui aussi « un homme ». Là encore le ridicule l’emporte : il se fait taper par sa femme qui lui inflige un oeil au beurre noir35 et est obligé de mentir à son père en lui disant qu’il a eu un accident.

Mais, pire que tout, Spielberg fait renaître le personnage du Black Buck, le Noir violent, dangereux sexuellement (on n'avait jamais revu un tel personnage depuis l'ode Ku Klux Klan, Naissance d'une Nation). Assénant des morales telles que « Nos femmes, c’est comme nos gosses. Faut leur montrer qui c’est qui commande. Y a rien de tel qu’une bonne raclée », Monsieur est un véritable tyran : il « achète » Celie, pour qu’elle lui serve de femme, lui interdit tout, l'empêche d’apprendre à lire (ainsi comparé dans un racisme déconcertant tant la ficelle est énrome aux hommes d’une tribu africaine qui refusent d’instruire les filles -plus tard dans le film-).
Tous les procédés cinématographiques sont bons pour faire de Danny Glover un monstre sanguinaire : crises de colère, le visage écumant, filmées en gros plan et en contre plongée !
Mais Monsieur est aussi dangereux « sexuellement ». Il tente de violer la jeune Nettie ; certes celle-ci est noire, mais la mise en scène la « blanchit » (robe blanche, livres scolaires, plan en plongée…). De plus, le « détail » des photos -un plan de quelques secondes sur des photos de femmes blanches que Monsieur tenaient cachées- contribue à l’idée que si Monsieur ne représentait qu’un danger pour la femme noire, il s’intéresse aussi à la blanche.
Ces deux scènes ne figurent pas dans le roman d'Alice Walker. tandis qu'à l'inverse, l'amour entre Celie et Shug est oublié par Spielberg ; un chaste baiser remplace les longues scènes du roman où Shug apprend à Celie à découvrir son corps. Ces changements de taille contribuent à transformer l'oeuvre féministe et anti-raciste de Walker en une sirupeuse tragédie au racisme latent !
Il ne fait ni un film anti-raciste, ni un film féministe ; ici les opprimées ne résistent, elles subissent (le Blanc raciste comme le mari violent).Pour les petites histoires, le montage est assuré par Michael Kahn (qui fit ses armes sur des production soul dans les années 70).

Trois appartitions notables : un des premiers grands films de Laurence Fishburne, la dernière apparition sur grand écran de Drew Bundini Brown (proche de Muhammad Ali, qui tourna aussi dans Shaft, Shaft's Big Score et Aaron Loves Angela) et un petit rôle pour l'inoubliable Mr. Brooks de Five On the Black Hand Side : Leonard Jackson.

lundi 8 mars 2010

Hell Up in Harlem

La suite de Black Caesar, retitré Casse dans la ville en français, est un bon gros film d'action ! Il reprend la trame de fond du premier opus et permet à Fred "the Hammer" Williamson de revêtir les habits de Tommy Gibbs...
...pour notre plus grand plaisir !

HELL UP IN HARLEM
Larry Cohen (1973)


Tommy Gibbs (Fred Williamson) est retrouvé, touché par une balle, par son père (Julius Harris) dans un terrain vague ; il est toujours en possession d'un livre de compte qui mentionne le nom de flics ripoux. Pris en charge par sa bande, Tommy est emmené à l’hôpital.
Petit à petit, Tommy "Black Caesar" Gibbs se remet sur pied et se venge méthodiquement. Tandis que son père devient son premier lieutenant, Tommy continue son ascension...

Le film commence au moment de la tentative de meurtre contre Tommy qui constitue la longue dernière séquence de Black Caesar. On est loin du premier opus (version intégrale ou coupée) qui contenait nombre message et une trame pertinente. Ici, place à l'action pure et dure et quelques instants de charme avec Gloria Hendry ou Margaret Avery. Et le résultat n'en est pas moins génial !

Les scènes d'action se succèdent : bagarre à main nue et arts martiaux contre les Japonais, infiltration sous-marine et fusillade, élimination systématique... Larry Cohen multiplie les caméras embarqués et les scènes urbaines qui renforcent le réalisme du film.

Sur la BO de Freddie Perren, Larry Cohen reconstitue son casting secondaire précédent avec D'Urville Martin, Gloria Hendry et Julius Harris (à qui il offre un rôle beaucoup plus étoffé -et improbable). Il appelle en plus l'éternel second Tony King dans le rôle de l'homme de main sans scrupule (comme dans Bucktown), Margaret Avery, Esther Sutherland (en mammy, dans une des scènes les plus jubilatoires de la blax'), Al Kirk...

Une fois n'est pas coutume, je remplace le trailer habituel (ici) par deux scènes génialissimes (dont celle avec Esther Sutherland). Bon visionnage. et jetez-vous sur ces deux films si vous ne les avez pas vu !!

jeudi 4 mars 2010

Black Caesar

Black Caesar (sous-titré Le parrain de Harlem en VF) est de ces films phares de la blaxploitation qui impose une nouvelle sorte de héros afro-américain. A l'instar de Shaft, Cleopatra Jones, Slaughter ou Foxy Brown, Tommy "Black Caesar" est un héros qui en jette !

BLACK CAESAR - Larry Cohen (1973)


1953, à New-York, un jeune cireur de chaussure fricotte avec la pègre ; rossé par un policier véreux -McKinney (Art Lund)- il perd l'usage de sa jambe gauche. Il finit en prison, emportant avec lui ses rêves d'ascension sociale.
Douze ans plus tard, Tommy (Fred Williamson) sort de prison. Il exécute un contrat pour la mafia italienne et commence une collaboration inédite avec Mendoza qui lui octroie un territoire. Le Révérend Rufus (D'Urville Martin) camouffle les bénéfices de la prostitution, des loteries et du racket derrière sa paroisse (exonérée d'impôts), tandis que Joe "the Brain" les réinvestit dans des affaires lucratives et légales.
En possession d'un livre de compte avec le nom de policiers corrompus, Tommy Gibbs gravit les échelons de la pègre, se retrouve à travailler aux côtés de son ennemi juré le capitaine McKinney...

Excellent ! il n'y a pas d'autres mots pour qualifier ce Black Caesar. Tous l'univers des films de mafia sont réunis : un héros mégalo et tourmenté, des lieutenants , des ennemis prêts à tout pour conserver leurs parts de marchés, son lot de violence, fusillade et fêtes guindés sur fond de mandoline... Mais Larry Cohen dynamite en même temps le genre, il rajoute des costumes colorés, afros et bacchantes, décors urbains hyper-réalistes, rythmes soul et poursuites en voitures, sur fond de misère sociale et de ségrégation raciale.
Gibbs rachète l'appartement (meubles et vêtements) du blanc pour lequel travaille sa mère.
Les symboles du racisme ambiant et de lutte nécessaire sont légions, souvent avec violence : flic qui menace de castrer le jeune Tommy, l'humiliation du cirage (et la "revanche" à la fin), l'expropriation des patrons de sa mère...

Fred Williamson, véritable figure la blaxploitation, campe un parrain paternaliste qui combine profit personnel et charité envers la Communauté, un héros musclé et tourmenté avide de vengeance et de gloire. Les seconds rôles de qualité suivent : D'Urville Martin en pasteur flamboyant, Julius Harris dans le rôle de Mister Gibbs, le père de Tommy, la belle Gloria Hendry, Art Lund très convaincant dans le détestable captain McKinney, Don Pedro Colley et bien sûr l'incontournable Bob Minor aux cascades.

Le film doit aussi son succès à la B.O.F. inspirée de James Brown, dont Down & Out in New York City.
Et comme dans ce genre de petite production, des techniciens ou producteurs se retrouent devant la caméra ; ici Cecil Alonzo (qui fait de même dans Superfly) et James Dixon. Dans le même genre, j'en profite pour évoquer Marvin Kerner, ingénieur du son sur une dizaine de film blax (essentiellement de l'AIP) et le monteur George Folsey Jr. (qui produira dans les années 80 les comédies d'Eddie Murphy : Un fauteuil pour deux et Un Prince à New-York).
Autre caractéristique des petits budget ont du bond, et du talent de Larry Cohen : les scènes urbaines prennent un réaliste saisissant avec les -vrais- passants hagards devant un Fred Williamson ensanlanté ou jetant des coups d'oeil à la caméra.

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L'analogie avec le Scarface de DePalma est flagrante : héros flamboyant et pathétique à l'origine plus que modeste, avec une mère qui s'est tuée à la tâche pour l'élever et un père absent, un ami d'enfance vécu comme un traître, une vie amoureuse catastrophique, et plus généralement l'ascension fulgurante suivie de la descente vertigineuse vers une déchéance totale. Une vision très noire -et réaliste- du mythique "american dream" emprunté par Tony Montana et Tommy Gibbs.

Cependant, le film que l'on peut aujourd'hui voir en DVD, ou sur les écrans français à l'époque, n'est pas la version sortie dans les salles US. En effet, la mort de Tommy avait provoqué la colère des spectateurs afro-américains, ulcérés de voir un véritable héros noir échouer et mourrir, et Larry Cohen a finalement coupé la scène finale au montage. Les merveilles du business ont fait le reste puisque cette épuration a permis de sortir une suite aux aventures de Tommy Gibbs : Hell Up In Harlem.
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