jeudi 30 septembre 2010

Song of the South

Walt Disney, peu connu pour ses penchants progressistes, a produit un film sur le "vieux Sud", une ode au simplisme supposé des Afro-Américains, et en filigrane à l'esclavage. Ce n'est pas à proprement parlé un "all colored" comme les précédents films chroniqués et l'in le classe plutôt dans les "banned cartoons", mais après avoir évoqué deux grandes productions de studios concurrents (la 20th Century Fox et la MGM, respectivement avec Stormy Weather et Cabin In the Sky), il me paraissait important de montrer la vision pour le coup très rétrograde et paternaliste des studios Disney.

SONG OF THE SOUTH
Wilfred Jackson & Harve Foster (1946)

Peu après la Guerre de Sécession, dans le vieux Sud, le petit Johnny va vivre avec sa mère chez sa grand-mère, propriétaire d'une plantation en Géorgie.
Ne comprenant pas l'absence de son papa, une nuit voilà que le petit Johnny fugue et découvre la chaude ambiance des soirées des esclaves de sa mamie... et les histoires d'Uncle Remus (James Baskett), le vieil afro-américain tout en sourire et en morale. Uncle Remus va alors conter l'histoire de Br'er Rabbit (Johnny Lee) et ses prédateurs, Br'er Fox et le simplet Br'er Bear (Nick Stewart).
Le gamin et le vieil Uncle Remus se lient d'amitié...

Après les grands classiques Blanche-Neige, Dumbo ou Bambi, voilà les studios Disney qui se lancent en 1946 dans les films d'animation mixant dessins animés et film classique. Techniquement, on peut dire que tout est OK, la chanson/clip (que vous pouvez visionné ci-dessous) en est une parfaite illustration : Uncle Remus se baladant dans le monde merveilleux des gentils animaux de tonton Walt... La réalisation de la partie animée est confiée à Wilfred Jackson qui a fait ses preuves avec les classiques Peter Pan ou Alice aux pays des merveilles.

C'est plutôt du coté des associations afro-américaines et anti-racistes -telle que la NAACP- que le bas blesse à la sortie (et encore aujourd'hui). Le film véhicule les personnages stéréotypés des Noirs, leur attribuant invariablement des rôles insipides de serviteurs contents de leurs sorts, où vont paradoxalement excellés de nombreux acteurs faute de mieux comme ici James Baskett en Uncle Remus et Hattie McDaniel (Mammie de Autant en emporte le vent) dans son rôle immuable de "Aunt Jemima", pendant féminin de "Oncle Tom"...
Le débat reste ouvert quant à la publication ou non de telles oeuvres, outrancières et subrepticement racistes... Toujours est-il qu'aujourd'hui, on ne trouve pas de DVD officiel pour ce film.


Le site tout à la gloire du film : http://www.songofthesouth.net/

lundi 27 septembre 2010

Stormy Weather

Production de la 20th Century Fox, pendant du succès de la MGM Cabin In the Sky, cette Symphonie Magique est un des grands films musicaux "all colored ".

STORMY WEATHER - Andrew L. Stone (1943)



A l'invite de ses neveux et nièces, l'oncle Bill Williamson (Bill "Bojangles" Robinson) leur narre son ascension en tant que danseur de claquettes. Il conte son retour du front après la seconde guerre mondiale, sa rencontre avec la sublime chanteuse Selina Rogers (Lena Horne) qui l'incite à persévérer dans la danse.
Bill va donc commencer par travailler dans un club réputé de Menphis qui accueille Fats Waller et Ada brown... mais comme serveur.

Le Bill Williamson qui sert de fil conducteur aux n'est autre que la star afro-américaine de l'époque Bill Robinson, connu sous le surnom de "Bojangles". Grand danseur, il sera longtemps cantonné sur le grand écran à des rôles subalternes de serviteur débonnaire aux cotés de Shirley Temple. C'est tout de même un joli hommage que rend Hollywood à cet artiste.

On n'échappe pas aux stéréotypes de l'époque, en particulier parce que reflétant la réalité des "revues nègres", on a droit aussi bien aux blackfaces, aux moues outrancières et aux joueurs de tam-tam symbolisant l'Afrique.
Ceci étant, c'est presque un documentaire inestimable sur la part des Afro-Américains dans le mouvement artistique et la vie nocturne dans les années 30/40 auquel on assiste. Le scénario est bien maigre et finalement le prétexte à une succession de numéros dont la plupart sont phénoménaux. S'il faut n'en citer qu'un, c'est bien entendu le ballet de claquettes endiablés offert par les Nicholas Brothers -Fayard et Harold- que Fred Astaire décrira comme la prestation la meilleure de tout les temps.
Le film comporte quasiment ce qui se fait de mieux pour l'époque avec Cab Calloway, Fats Waller, Lena Horne, Katherine Dunham et Ada Brown (il y aurait même une scène coupée où apparaît Eddie Anderson)
Pour les acteurs, l'on peut citer Henry Phace Roberts (qui joue seulement dans trois films en 50 ans, celui-ci, Cabin in the Sky et le Cotton Club de Coppola), Arthur "Dooley" Wilson (immortalisé dans Casablanca), Doris Ake, Nick Stewart, Matthew "Stymie" Beard, Lennie Bluett, F.E. Miller, Ernest Whitman ou encore Benny Carter qui composera trente ans plus la partition de Buck and the Preacher et Jeni Le Gon qui traverse le demi-siècle et apparaît dans Bones.


mardi 21 septembre 2010

Cabin In the Sky

Adaptation cinématographique d'une comédie musicale de Brodaway, Un petit coin aux cieux est un grand "all-colored-cast" produit par la MGM.

CABIN IN THE SKY - Vincente Minnelli (1943)



Little Joe (Eddie "Rochester" Anderson) est un petit homme plein de vices, du jeu à la paresse en passant par la luxure, tandis que sa femme Petunia Jackson (Ethel Waters) est une femme pieuse.
Alors qu'elle se rend à l'église, Little Joe se retrouve face à ses créantiers qui l'oblige à payer ses dettes. A la sortie de l'office, Petunia le retrouve entre la vie et la mort, atteint d'une balle.
Lucifer (Rex Ingram) s'apprête à l'acceuillir en Enfer, mais les prières de Petunia sont entendues et Le Général -chef des anges- accepte de lui rendre la vie à condition qu'il ait une conduite exemplaire.
Les premiers temps le couple Jackson vit la belle vie... Mais Lucifer et ses accolytes (Mantant Moreland, Louis Armstrong, Oscar Polk et Willie Best) posent des embûches sur le chemin du pauvre Joseph : gain au jeu, vie facile et surtout la plantureuse Georgia Brown (Lena Horne)

Plutôt réactionnaire sur le fond avec la manichéenne opposition du bien et du mal, on ne peut que préférer le "mal" qui nous permet de savourer les scènes de danses endiablés, la trompette de Louis Armstrong et le sex-appeal de Lena Horne.
On revoit bien sûr les grandes figures stéréotypiques des Noirs dans ces années-là, le coon, la mammy et l'oncle Tom (personnages comiques, desexués et inoffensifs) et l'opposition avec la "mulâtresse tragique", synonyme de dépravation.

C'est tout le dilemme de ces productions des années 20 à 50, où sont employés des actrices et acteurs afro-américains, pour la satisfaction d'un public essentiellement blanc. Le dilemme donc, c'est que tout en fleurant le racisme "bon enfant" et en utilisant des stéréotypes éculés, elles peuvent se révéler excellentes à bien des égards.
Ici, on n'a pas à faire au premier venu, et donc la réalisation de Vincente Minnelli est sublime, truffée d'effets visuels. Il filme à la perfection les scènes de music-hall. Et même s'il utilise les caricatures sus-citées, il arrive à donner un supplément d'âme à ses personnages.
De plus, confier à des Noirs le soin de jouer des anges -comme dans The Green Pastures- représente presque une provocation dans cette époque puritaine et ségrégationniste.
Enfin, et ce n'est pas rien, les interprètes sont pour beaucoup dans le succès et la qualité de ces films. Dans ce cas-là avec des grands noms de la danse ou du jazz tels que Louis Armstrong, Duke Ellington et le Hall Johnson Choir. Les acteurs -familiarisés eux aussi avec la musique et la danse- portent ce film à l'image d'Ethel Waters, Eddie "Rochester" Anderson, Rex ingram et Lena Horne. Dans une époque où l'on cantonnait les Afro-Américains à des rôles limités, il faut souligner justement le talent de chacun d'eux consistant à se conformer à ces caricatures tout en essayant d'y insuffler profondeur et dignité. Et c'est le cas des héros de ce film.

Eddie Anderson (le majordome dévoué Uncle Peter), Oscar Polk (le caricatural Pork) et Butterfly McQueen (Prissy, la gamine à la voix criarde si reconnaissable) et Lennie Bluett (le violeur yankee) avaient tourné ensemble dans Autant en emporte le vent. On croise aussi Mantan Moreland, Nick Stewart (Stormy Weather et même Hollywood Shuffle), Henry Phace Roberts (qui joue seulement dans ce film et Stromy Weather puis 40 ans plus tard dans Cotton Club) et Willie Best.
Un film à conseiller aux amoureux de jazz et de vieilleries cinématographiques...

vendredi 17 septembre 2010

The Green Pastures

Fable théâtrale des années 30, Les verts pâturages est adapté au cinéma et transpose des épisodes de la Bible dans le Vieux Sud peuplés de Noirs (on est bien loin à l'époque des "Afro-Américains" ou "Africain-Américains").

THE GREEN PASTURES - William Keighley (1936)



Mister Deeshee est le pasteur d'un petit village de Louisiane. Il fait le catéchisme pour les enfants qui l'interrogent sur le fonctionnement des nuages, les animaux, la nature...
Mais ce jour-là, le révérend Deeshee va leur apprendre La Génèse, l'histoire de la création du Monde fortement influencé par les croyances populaires afro-américaines.
Il dépeint le Paradis, avec ses anges, ses chérubins, ses activités ludiques et la bonne humeur de tous ses habitants, qui déambulent sous l'oeil avisé de l'Archange Gabriel (Oscar Polk) et surtout de De Lawd -comprenez "The Lord", Dieu- (Rex Ingram).
Le pasteur explique la création de l'Univers, d'Adam et Eve, du déluge et de l'Arche de Noé (Eddie "Rochester" Anderson), de Moïse et Aaron contre Pharaon...Interdit de salles dans plusieurs pays pour "blasphème", cette adaptation est un réussite artistique. Les astuces techniques sont bluffantes pour l'époque : anges sur des nuages, deux personnages à l'écran joués par le même acteur, transformation d'un bâton en serpent... Les prouesses visuelles sont légions et les figurants très nombreux (dont beaucoup appartiennent aux choeurs d'Hall Johnson).
On a bien sûr droit à la "revue nègre" -des danseurs en tenues légères se trémoussant sur du jazz-, à quelques stéréotypes raciaux (on est dans une production Warner des années 30 tout de même !). Mais l'ensemble est divertissant et, tout en participant de la construction des stéréotypes noirs à l'écran, le film offre de vrais rôles à des acteurs trop souvent limités à des personnages de faire-valoir et/ou de bouffon.
Il va de soit que le point de vue afro-américain sur la Bible présenté ici est en fait celui d'un Blanc sur ce qu'il croit être les croyances populaires noires. Cependant je pense que les réalisateurs et scénaristes étaient portés par une réelle envie de rendre hommage aux croyances et aux adaptations typiquement afro-américaine de l'ancien testament (spécifiquement de l'allégorie de Moïse/Moses guidant son peuple vers la "Terre Promise").

Rex Ingram est magistral en De Lawd omnipotent. Beaucoup d'acteurs font leurs premiers pas dans le métier : Mantan Moreland, William Broadus qui est plus connu pour incarner The Negro Soldier, film de propagande pour favoriser l'engagement des Afro-Américains dans les troupes US durant la 2nde Guerre Mondiale. Jester Hairston débute lui aussi sa longue carrière : chanteur puis chef d'orchestre comme dans Carmen Jones, mais aussi acteur au rôles multiples (In the Heat of the Night, The Bingo Long Travelling... et même I'm Gonna Git You Sucka). Ou encore Reginald Fenderson termine sa carrière dans The Man (le premier film proposant un président noir, incarné par James Earl Jones).
En 1937, Warner Bros a décliné le concept dans un cartoon : Clean Pastures (chroniqué ici et visible ).
Plus étonnant encore, la télévision française diffusa (en prime-time le 24 décembre 1964 !) une adaptation magnifique signée Jean-Christophe Averty : Les verts pâturages.

mercredi 15 septembre 2010

The Emperor Jones

Il faut attendre quelques années pour voir les studios hollywoodiens -ici United Artist- récidiver avec une production presqu'entièrement interprétée par des Afro-Américains.

THE EMPEROR JONES - Dudley Murphy (1933)

Fraîchement embauché comme employé des Wagons-lits Pullman, Brutus Jones (Paul Robeson) est fier de son uniforme et de son travail. Il est encensé par ses coreligionnaires et sa compagne lorsqu'il part pour son premier voyage. Tout au long du chemin,
Alors qu'un soir où il joue dans un tripot, une rixe éclate, Brutus tue l'homme qui l'avait agressé et se retrouve envoyé au bagne.
Il se dresse contre les brimades des gardiens racistes et arrive à s'échapper, gagnant dans sa fuite une île des Caraïbes remplie de Noirs ignorants.
Il s'allie d'abord à Smithers un colon local (Dudley Digges), puis devient -par un subterfuge sommaire le faisant passer pour invincible- l'Empereur Jones, leur soutirant de croustillants bénéfices.
Le film est tiré d'une pièce de théatre d'Eugène O'Neill, dans laquelle Paul Robeson avait déjà jouer 13 ans auparavant. Comme dans toutes les productions "all black", les scènes de danses, chants et cabarets ne manquent pas, et de nombreux ajouts à la pièce originale permettent à Robeson de nous gratifier de sa voix de baryton. Mais on est loin de la poésie et de l'éloge de la lenteur de Hallelujah !
Et plus encore que ce dernier (sans doute aussi à cause de l'absence de cette empathie et de cet onirisme), ce film est contestable dans son racisme disséminé tout du long (ce qui est étonnant pour un militant des droits civiques comme Paul Robeson, marqué du sceau de "communiste", qui avait refusé quelques années auparavant de jouer dans Hallelujah !).
Le générique d'abord, il présente la quintessence de la caricature du sauvage primitif noir : la tribu des joueurs de tam-tam ; par un fondu la caméra nous emporte dans une église baptiste où chantent des Afro-Américains. La continuité paraît évidente...
Dans la partie précédente, je parle des "gardiens racistes" ; en fait, je dois bien avouer que je fais moi-même ce raccourci. Dans le film, il n'y a rien d'aussi explicite. Dans la même veine, lorsque Robeson assomme son garde, on ne fait que l'imaginer, les sales obscures ne sont pas prêtes à offrir leurs toiles à un Noir assommant un Blanc... et encore moins les producteurs assumer un tel geste.
Pourtant, il est notable de voir les studios s'intéresser aux oeuvres mettant en scène des Afro-Américains, et il est indéniable que ce film -entre autres- contribue à l'éclosion de stars afro-américaines. De même, il faut noter des scènes tout de même rares pour l'époque, comme un Noir torse-nu à l'écran.

C'est une des premières apparitions cinématographique pour le talentueux et prometteur danseur de claquettes Harold Nicholas, des célèbres Nicholas Brothers, et les premiers grands rôles pour Fredi Washington et Ruby Elzy. Dans les scènes de cabaret on peut aussi apercevoir Billie Holiday (dont la biographie -Lady Sings the Blues- sera produite 40 ans plus tard Berry Gordy, avec Diana Ross dans le rôle-titre), Lorenzo Tucker, célèbre à son époque pour être le "Valentino noir" ou encore Moms Mabley, qui sera mise en vedette d'une -mauvaise- comédie durant la vague blax : Amazing Grace.


samedi 11 septembre 2010

Hallelujah !

Voilà donc la première perle de ces films hollywoodiens estampillés "all black cast", King Vidor profite des balbutiements du cinéma parlant pour nous offrir cette oeuvre poétique et par bien certains aspects confinant au documentaire.

HALLELUJAH ! - King Vidor (1929)



Zeke (Daniel L. Haynes) est un jeune métayer, rangé, honnète et en passe de se marier. Alors qu'il se rend à la ville pour vendre la récolte, il succombe à la fois aux charmes de l'envoutante Chick (Nina Mae McKinney) qu'aux affres du jeu de hasard. Alors qu'éclate une risque lorsque Zeke se comprend flouer, son frère Spunk (Everett McGarrity) est atteint d'une balle et meurt dans ses bras.
Zekiel devient alors un prêcheur...


Ce film est à classer dans les grands chefs d'oeuvre de l'entre-deux-guerres. il n'en reste pas moins sans ambivalence et sucite aujourd'hui encore de grands débats.

D'abord, Vidor gère tout ça avec une intensité dramatique surprenante (je pense à la mort de Spunk), à laquelle s'allient la profondeur et la complexité des décors, une multiplicité de personnages et de situations de la vie quotidienne ainsi qu'une magnifique photographie.
Et c'est avec une véritable empathie, presqu'un certain respect que King Vidor filme ses protagonistes. Il aime et connaît -autant que se peut à l'époque- les mœurs des Afro-Américains du Vieux Sud. Vidor prend son temps (presque 100 minutes au total), il laisse s'installer ses ambiances, aussi bien lors d'un repas familial que lors des prêches poignantes.

Bien entendu, il faut accrocher le spectateur, alors comme une marque de fabrique hollywoodienne (et encore plus spécifiquement pour ce qui concerne les productions utilisant les Afro-Américains), King Vidor multiplie les spirituals, les gospels et les démonstrations de claquettes, de danse, d'impros de jazz... et magnifie le répertoire si spécifique du folklore profane et religieux. Là encore, il sait tirer le meilleur de ces scènes et de ses artistes.

On n'échappe pas non plus -c'est là d'ailleurs ce que d'aucuns lui reprochent- à des stéréotypes marquants : la dangereuse "mulâtre tragique" (incarnée avec brio par Nina Mae McKinney), les pieuses mammies et les Uncle Tom et les coons, pas même au black buck (en la personne d'Hot Shot, bien que Vidor ne tombe pas dans la caricature du danger sexuel potentiel qui colle à cette figure). Par ailleurs, il n'est jamais fait mention de l'esclavage ni du "préjugé racial", mais l'on retrouve quand même cette évocation dans les chants et le lancinant "Give that old-time religion"
Alors que ces figures stéréotypées sont reprises et renforcées, j'aurais du mal à m'aventurer sur une quelconque accusation de racisme. D'ailleurs, Hollywood lui aurait-il permit cette transgression ? Gardons à l'esprit les conditions de production, le sujet inédit -ainsi que son traitement- pour des studios et la prégnance du préjugé racial dans le cinéma et la société à l'époque. Gilles Mouëllic résume parfaitement mon sentiment :
"On ne peut nier en effet le paternalisme et le caractère "tomiste" d'Hallelujah : les méchants sont joueurs, buveurs et paresseux, les bons sont de grands enfants doués naturellement pour la musique qui implorent sans arrêt le ciel. Mais, par sa dimension musicale, le film dépasse ces stéréotypes." (l'article en entier sur Africultures)

Quelques acteurs font leur premiers pas à Hollywood et dans un long métrage : le petit garçon au cheveux ras Matthew Beard (surnommé Stymie pour un de ses rôles récurrents), Eva Jessye (que l'on peut vaguement recroiser dans les années 60 avec Black Like Me et Slaves).
Un petit mot enfin sur Sam McDaniel : outre qu'il est le frère de la célébrissime Hatty McDaniel de Autant en emporte le vent, il symbolise surtout ces acteurs arrivés au mauvais moment et que les lumières de la médiatisation n'atteindront pas : il enchaîne plus de 200 apparitions dans des courts ou longs métrages et n'est que très rarement crédité, on le retrouve entre autre dans Stormy Weather.

lundi 6 septembre 2010

The Jazz Singer

Difficile de comprendre les premiers grands succès des films au casting afro-américain (et leur rareté) sans évoquer Birth of a Nation ou Le chanteur de jazz ; les deux sont des productions qui ont marqué l'Histoire du 7ème art. Naissance d'une Nation fût le film qui lança la production et les canons hollywoodiens, tandis que Le chanteur de jazz est réputé être le premier film parlant. Coïncidence sympthomatique, ces deux œuvres majeures du cinéma traitent de près ou de loin du "problème racial", et pas vraiment d'un point de vue progressiste et égalitaire...

THE JAZZ SINGER - Alan Crosland (1927)

Les hommes de la famille Rabinowitz sont chantres à la synagogue depuis 5 générations. Mais le petit dernier Jakie en a décidé autrement... Il ne veut pas chanter pour les fidèles, ni des chants religieux. Son ambition et son envie sont de devenir chanteur de jazz à Broadway. Il s'affronte vilolemment avec son père qui ne comprend pas sa défection pour le culte ; à la suite de cette ultime altercation, il fugue du foyer.
Jakie (Al Jolson) est adulte, il répond au patronyme américanisé de Jack Robin et se produit dans des clubs. Un soir, il rencontre Mary Dale (May McAvoy) qui lui offre un numéro à Broadway...

A l'époque Al Jolson est une star du pays, artiste de music-hall adulé du public, ses talents d'acteurs restent à démontrer après ce film qui doit sa renommée à sa prouesse technique et son blackface plutôt qu'à ses fondements artistiques. Pour le coté technique justement, les premières paroles consistent en un chant liturgique et tout du long le parlant se borne à une synchronisation des chants religieux ou des chansons de Jolson ; il y a seulement un intermède devenu mythique pour le cinéphile lors d'une scène où il parle à sa mère. Les dialogues sont finalement amenés par des inserts.
La partition est très agréable, mélange Tchaïcowsky, de musique yiddish et de music hall... mais pas de jazz en tout cas ! La seule chose qui renvoie au jazz est bien l'accoutrement et les mimiques de jolson.
Contrairement à The Birth of a Nation dans lequel l'intrigue est profondément réactionnaire (sans même évoquer le racisme), le scénario est ici plutôt progressiste. Adapté d'une pièce de Samson Raphaelson, le scénario pause la question de l'émancipation (de la tradition, de la famille, de la religion...). Pourtant on tombe dans la caricature la plus crasse lorsque Al Jolson s'abaisse à se grimer en blackface. On peut être doublement énervé puisse que non content de singer grossièrement un artiste noir, Jolson ancre pour des décennies cette image négative et offensante des Afro-Américains.

En bref, l'Histoire du cinéma se construit donc d'une part avec les mammies, les coons, black bucks et autres Uncl' Tom (comme les impose The Birth of a Nation) et les caricaturaux -mais souvent plein de talents- chanteurs et danseurs.
Pour compléter : un article sur Africultures.

samedi 4 septembre 2010

On s'habitue a tout ?

Allez pour bien commencer le week-end et entamer la rentrée du bon pied : un clip et après hop, on part en manif...
Le clip, c'est Mokless (de la Scred Connexion) qui l'a livré dans l'été, avec en vue la sortie d'un album solo "Le Poids des Mots" prévu pour le 20 Septembre.
La manif, c'est contre les délires sécuritaires et racistes de Sarkozy et son gouvernement et c'est partout en France (la liste est ci-dessous). Soyons nombreux ! Pour pas s'habituer à tout !


Mokless ( Scred Connexion ) On s'habitue a tout

- Agen : samedi 4 septembre, boulevard de la République/ place Jasmin, à 10h00.
...
- Aix-en-Provence : samedi 4 septembre, rassemblement place de la Rotonde, à 11h00 (à confirmer).

- Alès : samedi 4 septembre, devant le théâtre, à 17h00.

- Angers : samedi 4 septembre, rassemblement place du Général Leclerc devant le palais de Justice, à 10h30.

- Avignon : samedi 4 septembre, boulevard Limbert devant la préfecture, à 10h30.

- Beauvais : samedi 4 septembre, place Jeanne d’Arc, à 14h00.

- Bordeaux : samedi 4 septembre, rassemblement place de la République / ou / sur le parvis des droits de l’Homme, devant le palais de justice, à 10h30 (à vérifier).

- Bourg-en-Bresse : samedi 4 septembre, au carrefour des rues Charles Robin, Foch, et du Bd de Brou, 14h00.

- Bourges : samedi 4 septembre, manifestation devant le monument de la Résistance, place du 8 mai, à 11h00.

- Bressuire : samedi 4 septembre 2010, place Notre-Dame, 11h00 rassemblement citoyen, prises de paroles des organisations participantes, 11h30 défilé jusqu’à la sous-préfecture avec dépôt d’un communiqué commun.

- Brest : samedi 4 septembre, place de la Liberté, à 10h30.

- Cannes : samedi 4 septembre, rassemblement devant le monument aux morts et la mairie, à 14h30.

- Châteauroux : samedi 4 septembre, place de la République devant l’arbre des droits de l’Homme, à 17h00.

- Colmar : samedi 4 septembre, avenue de la République, devant l’entrée administrative de la Préfecture du Haut-Rhin, à 14h30.

- Dijon : samedi 4 septembre place Darcy, à 14h00.

- Grenoble : samedi 4 septembre, manifestation avec deux points de départ la gare de Grenoble (à 14h30) et la place du marché de la Villeneuve (à 14h00), point de jonction des deux cortèges est à la place André Malraux.

- Hénin-Beaumont : samedi 4 septembre 2010, rassemblement devant l’Hôtel de Ville d’Hénin-Beaumont à 16h30. Manifestation dans les rues du centre de la ville. Retour devant l’Hôtel de Ville pour rassemblement militant et festif qui fera alterner des prises de parole et des chansons républicaines.

- Le Havre : vendredi 3 septembre, manifestation devant la sous préfecture du Havre + départ en car pour aller manifester à Paris le 4 septembre.

- Lille : vendredi 3 septembre, rassemblement sur le Parvis des droits de l’Homme, à 18h00.

- Limoges : samedi 4 septembre, place de la République, à 14h00.- Lyon : samedi 4 septembre, place des Terreaux, à 14h00.

- Lyon : samedi 4 septembre, place Gabriel Péri, à 14h00.

- Mantes-la-Jolie : samedi 4 septembre, devant le palais de Justice, à 11h00.

- Marseille : samedi 4 septembre, rassemblement unitaire sur le Vieux Port, à 14h30.

- Montpellier : samedi 4 septembre, place de la Comédie, à 10h00.

- Metz : samedi 4 septembre, rassemblement place de la République, côté rue Winston Churchill, à 14h30.

- Mont-de-Marsan : samedi 4 septembre, place Saint Roch, à 11h00.

- Mulhouse : samedi 4 septembre, place de la Réunion, à 14h00.

- Nancy : samedi 4 septembre, manifestation place Stanislas, devant la préfecture, à 14h00.

- Nantes : samedi 4 septembre, place du Commerce, à 15h00.

- Nice : samedi 4 septembre, Place Garibaldi, à 14h00.

- Nîmes : samedi 4 septembre, rassemblement devant la médiathèque/Maison carrée, à 14h00.

- Orléans : samedi 4 septembre, place d’Arc, 15h00.

- Paris : samedi 4 septembre, place de la République, à 14h00.

- Pau : samedi 4 septembre, place de l’Hôtel de ville, à 11h00

- Périgueux : samedi 4 septembre, devant l’arbre de la Liberté (poste centrale), à 11h00.

- Poitiers : samedi 4 septembre, devant le palais de Justice, à 14h00.

- Reims : samedi 4 septembre, rassemblement devant la fontaine de la Solidarité, place d’Erlon, à 14h00.

- Rennes : samedi 4 septembre, place de la Mairie, à 14h00.

- Roanne : samedi 4 septembre, devant la sous-préfecture, à 10h00.

- Rodez : samedi 4 septembre, devant la préfecture, à 10h00.

- Rouen : samedi 4 septembre, à l’église Saint-Sever, à 14h00 (ou 14h30) (à vérifier).

- Saint-Denis de La Réunion : samedi 4 septembre, sur la place des droits de l’Homme Champ Fleuri, à 14h00.

- Saint-Brieuc : samedi 4 septembre, départ de la manifestation en haut de la rue Saint-Guillaume, près du manège, à 11h00.

- Saintes : samedi 4 septembre, rassemblement place Bassompierre, à 11h00.

- Strasbourg : samedi 4 septembre, place Kleber, à 16h00.

- Toulon : samedi 4 septembre 2010, manifestation place de la Liberté, à 10h00.

- Toulouse : samedi 4 septembre, manifestation esplanade des droits de l’Homme, place du Salin, à 10h30.

- Tourcoing : samedi 4 septembre 2010, rassemblement devant le Parvis de l’Hôtel de Ville de Tourcoing, à 11h00, avec prise de parole des organisations. Le défilé se poursuivra jusqu’au Parvis de l’église Saint-Christophe.

- Tours : samedi 4 septembre, place Jean Jaurès, à 15h00.

vendredi 3 septembre 2010

Black Dynamite

Le film le plus attendu des inconditionnels de la blaxploitation et du cinéma bis : Black Dynamite !

BLACK DYNAMITE - Scott Sanders (2009)

Le jeune Jimmy est abattu froidement par des truands l'accusant d'être un indic. Mais Jimmy était surtout le petit frère d'un ancien agent de la CIA doublé d'un justicier : Black Dynamite (Michael Jai White). Armé de son nunchaku et de son .44, il jure de venger la mort de son frère !
Black Dynamite enquête parmi les pimps de Osiris (Obba Babatundé) et les tough guys, se faisant aider par des militants du coin, une activiste (Salli Richardson-Whitfield), éducatrice d'un orphelinat où les gamins se droguent et le pépillant Cream Corn (Tommy Davidson).
Déjouant les pièges, il met à jour un vaste complot raciste. Son combat l'amène des ghettos à la Maison-Blanche, en passant par Kun-Fu Island !
Avant même son tournage, Black Dynamite a bénéficié d'un engouement important chez les fans de blaxploitation et de ciné bis en général. Michael Jai White et Scott Sanders distillent un premier trailer sur le net et font monter le suspens... La sortie n'en est que plus attendue. Mais la distribution est limité et les bénéfices, malgré un accueil critique plus qu'honorable, ne sort que dans quelques salles US (et encore moins dans le monde). La sortie DVD et Blu-Ray permet une meilleure diffusion et assure définitivement le succès d'estime ; White et Sanders laissent d'ailleurs entendre qu'un deuxième volet pourrait voir le jour.

Tous les ingrédients sont réunis (plus concentrés encore que dans les films d'origines) : présence de charme (avec l'embauche d'actrices "X" comme Charmane Star, Erika Vution, Justine Joli ou Charlotte Stokely), l'action et la testostérone, les costumes moulants et/ou ultra-colorés signées Ruth E. Carter, le kunfu exagéré, les caméras tremblotantes ou en retard sur l'action, les micros apparents, la réutilisation de scènes...
Pour les fans ultimes, les bonus (scènes coupées, documentaire, making-off) et les commentaires de Scott Sanders, Michael Jai White et Byron Minns sont indispensables pour voir la méticulosité des références et la bonne humeur qui semble régner pendant le tournage. Michael Jai White emprunte le caractère bourru et la moustache de Jim Brown, le karaté et le sex-appeal de Dolemite, le complot raciste à Three the Hard Way, l'arsenal de Truck Turner, la haine des dealers de Billy Dee Williams dans Hit ! et le flegme de James Iglehart dans Bamboo Gods and Iron Men.

En même temps, la force du film réside dans le fait qu'il n'est pas une parodie (on a déjà connu le très bon I'm Gonna Git You Sucka sur ce créneau). Là, Scott Sanders et Michael Jai White se concentrent sur le style, les ressorts scénaristiques, l'ambiance, les gimmicks et les personnages secondaires. On échappe donc au pastiche pour se retrouver devant un hommage assez proche de ce que Tarantino et Rodriguez ont fait avec leur projet Grindhouse. Peut-être même encore plus "réaliste". Si bien que l'on a vraiment l'impression de voir un trésor retrouvé de l'époque béni du cinéma soul.

Dans les commentaires, White affirme que "la musique est un personnage en soi". Elle est d'ailleurs composé avant le tournage et édité en guise de teaser. Là encore, on se croirait dans un film soul typique avec ses ponctuations musicales, ses chansons expliquant l'action et ses titres love...
Il y a quelques extraits de films blax peu connus (Mean Mother et Dynamite Brothers) et un hommage appuyé -le plus apparent- à la scène du conseil des macs de Willie Dynamite (qui réunit une pléiade d'acteurs de premier rang : Obba Babatundé, Arsenio Hall, Bokeem Woodbine, Billy "Sly" Williams, Miguel A. Núñez Jr. et Cedric Yarbrough).

Michael Jai White est tout simplement parfait et le personnage taciturne et inexpressif de B.D. n'est pas si facile à interpréter ; en sus, il met ses talents en arts martiaux au service des bastons incroyablement bis. Autour de ce personnage principal omniprésent gravitent des seconds couteaux qui entrent dans leurs rôles à merveille : le pimp efféminé incarné par l'hilarant Tommy Davidson (premier rôle dans Strictly Business, il ne fait plus que de brèves apparitions dans CB4, Ace Ventura: When Nature Calls, Woo, Bamboozled ou Juwanna Mann), le chef de bande Mykelti Williamson (qui incarne Don King dans le Ali de Michael Mann, mais est surtout tristement célèbre pour son personnage outrancier de Bubba dans l'ultra-réactionnaire blockbuster Forrest Gump), la maquerelle Kym Whitley, le militant Chris Spencer -un habitué des projets des Wayans : le show In Livin Color, Blankman, A Low Down Dirty Shame, Don't Be A Menace...-, la belle Salli Richardson-Whitfield, Byron Minns, Kevin Chapman, Darrel Heath, Nicole Ari Parker, Brian McKnight, Henry Kingi Jr., Phyllis Applegate...
Coté blanc, il y a entre autres Richard Edson (habitué des productions afro-américaines de qualité avec Do the Right Thing ou encore Posse) et John Kerry (qui joua dans Dolemite ou l'obscur Abar, The First Black Superman).