mardi 28 juin 2011

The Defiant Ones

En cette fin des années 50, Hollywood commence à frémir : les Afro-Américains accèdent -discrètement encore- aux têtes d'affiche. C'est le cas avec La chaîne qui réunit Tony Curtis et Sidney Poitier.

THE DEFIANT ONES - Stanley Kramer (1958)


Noah Cullen et John "Joker" Jackson (Sidney Poitier & Tony Curtis), deux prisonniers d'un camp de travaux forcés, profitent d'un accident lors d'un transfert pour s'évader. Les deux hommes sont enchaînés l'un à l'autre. Et, malgré des différences apparemment indépassables, ils vont devoir coopérer pour réussir leur évasion et échapper aux flics et leurs chiens qui les traquent...

Comment traiter de ce film -forcément- ambivalent du point de vue du racisme ? C'est somme toute assez compliqué. D'un coté, il représente indéniablement une tentative de traiter du racisme
Mais il utilise pour celà les vieilles recettes hollywoodiennes, usant de la même représentation des Noirs que des films bien moins progressistes. Ce n'est donc pas une mince contradiction.
Examinons d'abord le premier point : la dénonciation du racisme. plutôt rare dans les années 50, The Defiant Ones fait la preuve par le script que les Noirs et les Blancs peuvent vivre ensemble s'ils dépassent leur apparente différence et apprennent à se connaître. La promiscuité que procure leurs menottes obligent les deux fugitifs à collaborer, et par là à se découvrir plus de points communs que de différences. Stanley Kramer va jusqu'à mettre dans le même plan le nom des deux acteurs principaux apparaît lors du générique. De ce point de vue donc, on est bien face à un film aux visées antiracistes et humanistes.
Mais le personnage incarné par Sidney Poitier porte cependant les stigmates des stéréotypes noirs d'Hollywood. Il adopte une voix lancinante caractéristique, chantant à tout va une sorte de gospel plaintif... Impertubable face aux réactions racistes des gens qu'ils croisent, ses qualités semblent bien plus importantes que celles de son co-détenu, n'hésitant pas à aller jusqu'au sacrifice par solidarité. Bref, Poitier est cantonné une fois de plus à un de ces rôles qu certain qualifie de "saint d'ébène".Lien
Malgré (ou grâce) à cette ambiguité, La chaîne acquiert avec le temps un statut de film incontournable. Nominé aux Oscars dans 6 catégories, il en reçoit deux (le scénario et la photographie) ainsi que maints autre prix. Tandis que le nombre d'adaptations sur le petit et le grand écran prouve là encore l'impact et le caractère "culte" de ce film. Pour les films, il y a le très moyens Black Mama, White Mama qui transpose l'intrigue en utilisant un duo féminin (Pam Grier et Margaret Markov), et Fled réalisé par Kevin Hooks où se rajoute une histoire d'espionnage informatique. A signaler aussi un remake TV, où Carl Weathers interprète Noah Cullen, et de nombreux téléfilms qui font référence au film original.

Marlon Brando, Robert Mitchum, Elvis Presley... les noms se sont succéder pour tenir le rôle de Joker. Tony Curtis fût le premier à accepter le rôle et aurait œuvrer pour être accompagné par Sidney Poitier. Ivan Dixon -brillant premier rôle de Nothing But A Man puis réalisateur du punchy Trouble Man et du brulôt révolutionnaire The Spook Who Sat By the Door- fait ici office de doublure de Sidney Poitier.
Stanley Kramer et son directeur de la photo Sam Leavitt retournent une décennie plus tard avec Poitier, la comédie à la fois libérale et empreinte de racisme "ordinaire" Guess Who's Coming To Dinner.

mardi 21 juin 2011

Life

Perpète réunit les deux acteurs comiques de l'année 1999, Eddie Murphy et Martin Lawrence (respectivement quatre et deux films cette année-là), et la collaboration s'avère plus que fructueuse...

LIFE - Ted Demme (1999)


Dans une prison du Mississipi, pendant que deux jeunes prisonniers rebouchent deux tombes, le vieux Willie Long (Obba Babatundé) leur conte la vie des deux macchabées. Tout débute en 1932, lorsque Rayford Gibson (Eddie Murphy), une petite frappe au bagou inaltérable, et Claude Banks (Martin Lawrence), un employé de banque fraîchement embauché, se trouvent obligé de convoyer de la gnole pour le compte d'un gangster de Harlem. Les deux hommes partagent peu de choses : une vie et des ambitions différentes,
Lors d'une étape, Winston (Clarence Williams III) leur meurt mystérieusement dans les bras, après avoir escroqué Ray au poker. Le mobile est tout trouvé et la justice des Blancs du Sud ne cherche pas plus loin : les deux compères sont condamnés à perpétuité dans un bagne du Mississipi.Certes l'humour est présent, mais pas celui dans lequel s'illustrent le plus souvent Eddie Murphy et Martin Lawrence (c'est d'ailleurs la volonté affirmée de Ted Demme, à qui l'on doit le petit film Who's the Man ?). Les deux acteurs ont joué pour la première fois ensemble dans Boomerang, et c'est à ce genre de comédies que l'on peut comparer Life : une comédie pertinente où se mêle à la fois l'humour, les sentiments, le drame et la solidarité. On suit les deux personnages principaux pendant 70 ans, un vieillissement rendu crédible par le bon jeu de Martin et Eddie, et grâce aux maquillages perfectionnistes de Rick Baker (nominé aux Oscars).

J'ai un faible pour les reconstitutions historiques et les films en costumes d'époque. Et on peut dire que ce film nous fait voyager, du Harlem by night au Sud profond, jusque dans les rêves de Ray. Le tout sur une BO réussit, signée de Wycleef Jean, l'ex-Fugees.

Même si le réalisateur est Blanc, c'est bien d'une histoire d'Afro-Américains dont il s'agit, une histoires sur, avec et du point de vue des Afro-Américains. Le parallèle avec l'esclavage paraît évident ; on peut même, en poussant un peu, y voir une parabole sur la ségrégation : travail gratuit, poursuite des évadés par des Blancs et des chiens, directeur de la prison représenté comme un directeur de plantation -avec sa famille bien proprette qui assiste frétillante aux activités de détenus et sa fille qui accouche d'un enfant métisse...

Enfin, dernier point essentiel : cette comédie historique rassemble un casting incroyLienable qui investit des seconds rôles touchant, campés avec précision et dignité. On peut citer pêle-mêle Bernie Mac, Anthony Anderson (Romeo Must Die, Exit Wounds, Kingdom Come, Cradle 2 the Grave, Big Momma's House, Barbershop), Barry Shabaka Henley, Miguel A. Núñez Jr.,
Bokeem Woodbine, Lisa Nicole Carson, Clarence Williams III, Michael "Bear" Taliferro, Sanaa Lathan, Zaid Farid (Bowfinger), Guy Torry, Armelia McQueen, William B. Taylor, Ernie Banks, le funkman Rick James.
L'équipe des cascadeurs est aussi étoffée avec les dinosaures Tony Brubaker et Jophery C. Brown et la nouvelle génération Big Daddy Wayne, Eric Chambers et Jalil Jay Lynch

Life

Perpète réunit les deux acteurs comiques de l'année 1999, Eddie Murphy et Martin Lawrence (respectivement quatre et deux films cette année-là), et la collaboration s'avère plus que fructueuse...

LIFE - Ted Demme (1999)


Dans une prison du Mississipi, pendant que deux jeunes prisonniers rebouchent deux tombes, le vieux Willie Long (Obba Babatundé) leur conte la vie des deux macchabées. Tout débute en 1932, lorsque Rayford Gibson (Eddie Murphy), une petite frappe au bagou inaltérable, et Claude Banks (Martin Lawrence), un employé de banque fraîchement embauché, se trouvent obligé de convoyer de la gnole pour le compte d'un gangster de Harlem. Les deux hommes partagent peu de choses : une vie et des ambitions différentes,
Lors d'une étape, Winston (Clarence Williams III) leur meurt mystérieusement dans les bras, après avoir escroqué Ray au poker. Le mobile est tout trouvé et la justice des Blancs du Sud ne cherche pas plus loin : les deux compères sont condamnés à perpétuité dans un bagne du Mississipi.Certes l'humour est présent, mais pas celui dans lequel s'illustrent le plus souvent Eddie Murphy et Martin Lawrence (c'est d'ailleurs la volonté affirmée de Ted Demme, à qui l'on doit le petit film Who's the Man ?). Les deux acteurs ont joué pour la première fois ensemble dans Boomerang, et c'est à ce genre de comédies que l'on peut comparer Life : une comédie pertinente où se mêle à la fois l'humour, les sentiments, le drame et la solidarité. On suit les deux personnages principaux pendant 70 ans, un vieillissement rendu crédible par le bon jeu de Martin et Eddie, et grâce aux maquillages perfectionnistes de Rick Baker (nominé aux Oscars).

J'ai un faible pour les reconstitutions historiques et les films en costumes d'époque. Et on peut dire que ce film nous fait voyager, du Harlem by night au Sud profond, jusque dans les rêves de Ray. Le tout sur une BO réussit, signée de Wycleef Jean, l'ex-Fugees.

Même si le réalisateur est Blanc, c'est bien d'une histoire d'Afro-Américains dont il s'agit, une histoires sur, avec et du point de vue des Afro-Américains. Le parallèle avec l'esclavage paraît évident ; on peut même, en poussant un peu, y voir une parabole sur la ségrégation : travail gratuit, poursuite des évadés par des Blancs et des chiens, directeur de la prison représenté comme un directeur de plantation -avec sa famille bien proprette qui assiste frétillante aux activités de détenus et sa fille qui accouche d'un enfant métisse...

Enfin, dernier point essentiel : cette comédie historique rassemble un casting incroyable qui investit des seconds rôles touchant, campés avec précision et dignité. On peut citer pêle-mêle Bernie Mac, Anthony Anderson (Romeo Must Die, Exit Wounds, Kingdom Come, Cradle 2 the Grave, Big Momma's House, Barbershop), Barry Shabaka Henley, Miguel A. Núñez Jr.,
Bokeem Woodbine, Lisa Nicole Carson, Clarence Williams III, Michael "Bear" Taliferro, Sanaa Lathan, Zaid Farid (Bowfinger), Guy Torry, Armelia McQueen, William B. Taylor, Ernie Banks, le funkman Rick James.
L'équipe des cascadeurs est aussi étoffée avec les dinosaures Tony Brubaker et Jophery C. Brown et la nouvelle génération Big Daddy Wayne, Eric Chambers et Jalil Jay Lynch

Harlem Nights

Seule réalisation du comédien Eddie Murphy, Les nuits de Harlem réunit les deux stars comiques années 80 : le maître Richard Pryor et l'élève Eddie Murphy.

HARLEM NIGHTS - Eddie Murphy (1989)

"Sugar" Ray (Richard Pryor) est propriétaire d'un tripot illégal. Un soir, le petit Quick tue un homme qui tentait de le poignarder ; Ray adopte alors le jeune garçon.
20 ans plus tard le tripot est devenu un club huppé de Harlem (où l'on vend illégalement alcool et prostituées), duquel "Sugar" Ray et Quick (Eddie Murphy) tirent de substantiels bénéfices.
Mais Bugsy Calhoune (Michael Lerner), un parrain local, ne voit pas d'un bon oeil la prospérité de ces Afro-Américains. Il veut une part conséquente du gateau ou menace de faire fermer l'établissement. Pour mettre la pression sur Ray et ses comparses, Calhoune s'appuie sur le lieutenant Phil Cantone, un flic véreux.
"Sugar" Ray hésite à tout laisser tomber, mais aider des ses comparses -Quick, Bennie "Snake Eyes" Wilson
et la souteneuse Vera (Redd Foxx & Della Reese) et d'autres- il va mettre sur pied un plan pour retourner la situation...
Cette comédie policière a été éreintée par les critiques, tandis qu'Eddie Murphy s'est vu qualifié de pire réalisateur et pire scénariste de l'année.
Pourtant, il s'agit d'un sympathique divertissement, servi par une bonne BO d'Herbie Hancock. A mon sens, c'est un des meilleurs rôles d'Eddie Murphy, et incontestablement de son meilleur dans la décennie. On sent bien en tout cas que le comédien, en passant derrière la caméra, a voulu sortir du rôle qui lui collait à la peau. Il campe un personnage plutôt flegmatique, classe, réfléchi et déterminé. C'est même, me semble-t'il, la première relation sexuelle de Murphy à l'écran. Par ailleurs, il évolue dans un univers et avec des personnages afro-américains, alors que les Blancs s'avèrent presque tous être des salauds. des ingrédients plus proche des films blax' que de ses comédies des années 80.
A l'instar Sidney Poitier, ce film tend à prouver que pour sortir des stéréotypes, les acteurs noirs sont les mieux placés pour s'en extraire en réalisant ou scénarisant eux-mêmes. Dommage qu'Eddie n'ait pas persévéré, apparemment atteint par les critiques.

Le casting -dégotté par Robi Reed- réunit pas mal de têtes connues, premiers ou seconds couteaux.
Un mot d'abord sur Richard Pryor à qui Murphy offre le rôle de père adoptif. Tout un symbole ! D'autant plus que Murphy comme Pryor restent sobres et ne surjouent pas, même lors des scènes comiques, et cassent donc ce qui fît leur succès respectif, le noir jovial au bagou incessant. Se côtoient aussi plusieurs génération d'acteurs afro-américains : Redd Foxx (le héros de la série Sanford And Son), le légendaire danseur de claquettes Howard "Sandman" Sims, Stan Shaw, Ji-Tu Cumbuka, Don Blakely, la survoltée Della Reese ou encore Rudy Challenger pour les plus anciens ; Bobby McGee, Lela Rochon (une des quatre héroïne de Waiting To Exhale), Steve White, Charles Q. Murphy (le frère d'Eddie), Reynaldo Rey, Kathleen Bradley, Jasmine Guy ou encore Nona Gaye (la fille de Marvin Gaye, qui débute ici au cinéma, et que l'on retrouvera dans les séquelles de Matrix et dans Ali).
Du coté du casting blanc, là aussi, il faut noter les réussites :Danny Aiello (Sal le pizzaïolo de Do the Right Thing) génial en petit flic de quartier cynique et envieux, ainsi que son fils Rick (le flic récurrent des films de Spike Lee), Eugene Robert Glazer (qui joue dans Hollywood Shuffle et I'm Gonna Git You Sucka) et Michael Lerner.

lundi 20 juin 2011

Sprung

Nouvelle livraison de Rusty Cundieff qui s'essaie avec un certain succès à la comédie romantique, très en vogue en cette fin de décennie 90...

SPRUNG - Rusty Cundieff (1997)


Montel (Rusty Cundieff) est un photographe timide et introverti qui ambitionne de trouver la femme de sa vie et de fonder un foyer, son pote Clyde (Joe Torry) est le strict oppposé : un frimeur et un dragueur insatiable. Dans une soirée, les deux amis rencontrent leurs alter-egos féminins : Brandy et Adina (Tisha Campbell & Paula Jai Parker). Alors que dès le premier soir, Clyde et Adina s'offrent de torrides moments, Montel et Brandy prennent leur temps...
Sauf que ces deux derniers tombent amoureux, alors qu'Adina se rend compte que Clyde est fauché et n'a rien à lui offrir. Leur relation s'arrête là, mais ils s'associent pour brouiller le grand amour qui se crée entre Brandy et Montel...

On pense à Booty Call, sorti la même année. Les deux scénarios son très proches : deux couples d'amis aux attentes amoureuse radicalement différentes. Le traitement, lui diffère, et ma préférence va plutôt à celui-ci.
Il est écrit, réalisé et interprété par Rusty Cundieff, à qui l'on doit Fear of a Black Hat (une fausse-biographie d'un groupe hip-hop et le film d'horreur urbain Tales from the Hood. Je trouve son jeu relativement insipide (mais c'est probablement dû aux caractéristiques du personnage. Par contre, sa mise en scène est originale et bien rythmée (au moins pour la première moitié).

Les scènes d'amour sont très bien filmées, je ne cesse de le rappeler, mais c'est une chose très rare dans le cinéma US et il faut constater une fois de plus que c'est un réalisateur afro-américain qui se charge de représenter la sexualité des Afro-Américains dans sa diversité...

Tisha Campbell a déjà joué avec Rusty Cundieff dans School Daze, tous deux dans de petits rôles), et le duo Joe Torry/Paula Jai Parker s'en tire plutôt bien et représentent l'élément comique du film. Le seconds couteaux sont légions : Clarence Williams III, John Witherspoon, Angela Means, Reynaldo Rey, Bobby Mardis, Yolanda Whittaker, Bobby McGee... Il y aussi quelques dinosaures issus de la blaxploitation ou même avant comme Isabel Sanford (la gouvernante dans Guess Who's Coming to Dinner), David McKnight (le J.D. Walker de JD's Revenge), Rai Tasco (Black Starlet, Black Gestapo, Dr. Black Mister Hyde et dernièrement The Green Mile), Freda Payne (qui ne tourne que quelques films, dont Book of Numbers en 1973 et La famille Foldingue) et le coordonnateur des cascades Julius LeFlore, qui a fait ses classe sur Drum.

dimanche 19 juin 2011

La suite ?

Finalement je ne reprendrai, et clôturerai, mon thème des comédies afro-américaines qu'à la rentrée de septembre. Jusqu'aux vacances, je vous proposerai un détour par la seule réalisation d'Eddie Murphy : Harlem Nights (que je n'ai pas évoqué dans la partie "Comédies des 80s", car malgré son casting réunissant les comiques Richard Pryor et Eddie Murphy, il se rapproche plus du film de mafia que des films humoristiques).

Ensuite, dans la lignée de mon dossier sur Melvin Van Peebles et Sweet Sweetback..., j'évoquerai les prémices de la blaxploitation : des films des années 60 qui, encore rares, mettaient au centre de leur intrigue des héros noirs, et plus largement la communauté afro-américaine. Ces productions souvent indépendantes et à contre-courant du formatage hollywoodien contribuèrent à faire débuter toute une série d'acteurs, ou à concrétiser les carrières de comédies cantonnés jusqu'alors au théâtre, et marquent aussi les premiers pas de réalisateurs débutants et prometteurs qui livreront parmi les meilleurs films de la période "soul", tels Gordon Parks et Ossie Davis.

lundi 6 juin 2011

Don't Play Us Cheap

Pour terminer cet aperçu de l’œuvre, essentiellement cinématographique, de Melvin Van Peebles, voilà une comédie musicale inédite, tant du point de vue de son propos et de son traitement, que de son "oubli" durant de longues années...

DON'T PLAY US CHEAP -Melvin Van Peebles (1973)


Trinity et Brother Dave (Joseph Keyes & Avon Long) sont deux "devil-bats" en quête d'une fête à saborder. Justement, elle bat son plan dans un appartement au coeur d'Harlem, les convives fêtent l'anniversaire d'Earnestine (Rhetta Hughes). Pour gâcher la party, Trinity use de tous les stratagèmes : faire peur aux hôtes, cacher les vinyls, boire tout l'alcool ou siffler toute la nourriture... mais chaque tentative est un échec car les convives se tirent de toute les situations. Cependant, la soirée avançant, Trinity tombe sous les charmes de la jolie Earnestine.
Mais à l'arrivée de la famille Johnson, des voisins aisés et leur fils éduqué, éloigne le couple en formation. Tandis que l'accolyte de Trinity, Brother Dave, débarque avec la ferme intention de pourrir définitivement la soirée...
Déroutant au premier abord, cet opéra filmé est tout de même abordable, et s'avère un agréable spectacle doublé d'un satyre sociale percutante.
La production de Broadway a eu lieu de mai à septembre 1972 au Barrymore Theatre Ethel. Le film est daté de 73, mais le tournage est antérieur à la présentation sur scène. C'est que, faute de distributeurs, Van Peebles décide à posteriori de mettre sur les planches cet intéressant projet qui rencontra un succès auprè du public comme des professionnels (avec à la clé des nominations aux Tony Awards, l'équivalent des Oscars pour le théatre).
Si bien que c'est à l'exhumation d'un trésor ancien que nous offre Xenon en 2006, avec l'édition de Don't Play Us Cheap en DVD, qui présente une très belle copie 4:3.

Moins anarchique que dans Sweetback..., le montage n'en reste pas moins saccadé. Van Peebles utilise toujours ses procédés de répétition et de superposition des plans, il joue sur les contrastes, rajoute ça et là des filtres colorés. Coté musique, de beaux moments de gospel lancinant succèdent aux rythmes endiablés qui portent indubitablement la touche "made in Melvin".
Voilà donc un film qui a une âme. Tout en rendant un hommage appuyé à la culture lyrique afro-américaine, Van Peebles montre que l'on peut chanter, danser et manger "black" en évitant les écueils du genre.
Le casting rassemble peu de monde, pour la plupart des seconds rôles que l'on peut voir dans d'autres productions afor-américaines : Rhetta Hughes (Sweet Sweetback..., The Wiz), Mabel King (Ganja & Hess, The Bingo Long Traveling..., The Wiz...), Avon Long (Roots 2, Trading Place,...), Esther Rolle (Nothing But a Man, Cleopatra Jones, Driving Miss Daisy, Rosewood, ...), Jay Van Leer (Claudine). Plus étonnant, Joseph Keyes jouera peu, mais il signe le scénario de Willie Dynamite. Coté équipe technique, on retrouve Bob Maxwell, le chef op' de Sweet Sweetback....

mercredi 1 juin 2011

La permission

Retitré en anglais Story Of A 3-Day Pass, ce drame amoureux est malheureusement méconnu alors qu'il présente des qualités artistiques remarquables, une photogprahie magnifique, et un sens du montage avant-guardiste.

LA PERMISSION - Melvin VanPeebles (1968)


Turner (Harry Baird) est un GI en cantonnement en France. Il obtient une permission de trois jours qu'il met à profit pour aller visiter Paris. Il y erre sans but précis, échouant un soir dans une boîte de nuit où il rencontre Miriam (Nicole Berger). Sous le charme l'un de l'autre, les deux tourtereaux finissent le week-end ensemble par une escapade sur la côte normande.
Melvin Van Peebles se lance dans ce film, basé sur son roman éponyme écrit en français. Le voilà donc qui endosse pour la première fois les casquettes de réalisateur, de scénariste et de compositeur.

La réalisation est réellement ingénieuse puisant dans la "Nouvelle Vague" française, et parfois même d'une modernité incroyable. Moins connu que Sweetback..., on peut pourtant imaginer aisément qu'elle fut une source d'inspiration pour les réalisateurs actuels, en particulier pour Spike Lee dans She's Gotta Have It et Mo' Better Blues.
La scène de la rencontre est époustouflante : les dialogues sont volontairement décousus, sensation accentuée par un montage saccadé de plans et de musiques différents. On retrouve le même procédé à plusieurs reprises pendant le voyage en voiture vers la Normandie ou encore la scène d'amour des deux amants.
Les dialogues de Turner avec son reflet sont bien trouvés et s'avèrent le fil conducteur du film, mettant en scène la tension intérieure du héros entre un personnage d'oncle Tom et sa soif d'authenticité.

A posteriori, on voit poindre ce qui fait la "patte" VanPeebles dans Sweet Sweetback..., et qu'il devra mettre en sourdine dans Watermelon Man, qu'il réalise pour la Warner.
L'évocation du racisme est très intéressante, parce que Peebles la place dans le cadre hexagonal où son développement a pris un autre tournant qu'aux Etats-Unis. Le casting est presqu'entièrement français : Pierre Doris, Christian Marin, Dany Jacquet...