mardi 6 décembre 2011

Frantz Fanon, 50 ans après...

Frantz Fanon ! Ce nom retentit toujours pour les internationalistes comme un de ceux qui comptent, au rang de Che Guevarra, de Malcolm X ou de Patrice Lumumba. En France, s'il est évoqué par les médias, c'est pour être associé à Césaire (qui fut son professeur Lycée Victor Schoelcher) parce qu'anticolonialistes et noirs tout deux, ils n'auraient pas de divergences intellectuelles... Or Fanon n'est ni un théoricien et militant marxiste ordinaire, ni un adepte de la "négritude", il est un penseur singulier, trop peu connu et étudié. Il est mort voilà 50 ans et je ne pouvais passer à coté d'un billet spécifique (d'autant plus devant le peu d'intérêt que suscite cet anniversaire, dans la presse comme sur la toile).

Sa vie fut -trop- brève, mais ses écrits comme ses actes ont été une inspiration sur tous les continents pour les combattants de l'égalité.
Pour preuve, du Vénézuela aux Etats-Unis en passant par l'Algérie on commémore aujourd'hui, à travers la date anniversaire de sa mort, le penseur et le militant. Fanon est étudié dans nombre d'universités à travers le monde, sa pensée fait l'objet de colloques, elle alimente les débats sur l'identité, sur les conséquences psychologiques de l'aliénation et du racisme. Pourtant, comme le note le quotidien algérien El Watan, la pensée et les écrits de Fanon sont consciencieusement oubliées (la longueur des articles de wikipédia US ou français illustre les dégrès d'intérêt dans les deux pays). Pas vraiment étonnant dans une époque où l'étranger est un bouc émissaire pratique, des figures du musulman non-soluble dans la République au Rom qu'il faut expulser en passant par le Maoré incontrôlable qui revendique la baisse des prix des denrées de base...
Panther de Mario Van Peebles (1995) : sur le bureau du personnage principal
se trouve la version anglaise du livre Les damnés de la Terre.

Né en 1925 à Fort-de-France, Frantz Fanon quitte la Martinique pour rejoindre la Résistance en France, et plus précisément les forces gaullistes, à l'âge de 17 ans. Il se lance par la suite dans des études de médecines, à Lyon ; il publie son premier livre qui fait date encore aujourd'hui : Peau noire, masques blancs (1952). Dans ce court mais dense ouvrage, il y interroge et décortique les conséquences de la colonisation sur les rapports entre Noirs et Blancs, sur la façon dans les Antillais -et les Noirs en général- se construisent par rapport au Blanc, sans réclamer réparation mais en posant des questions pour construire l'avenir.
Il devient l'année suivante le Médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida, en Algérie, alors colonie française. La guerre de libération engagé par le FLN ne le laisse pas indifférent, il choisit son camp, celui du peuple algérien, celui de l'indépendance, celui de la liberté.
Son engagement est profond, intellectuel mais aussi physique : il démissionne de ses responsabilité, est expulsé et rejoint une section du FLN en Tunisie (où il est d'ailleurs enterré).
Il écrit dans El Moudjahid et deviendra même ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana et essuiera plusieurs attentats fomentés dans divers pays où il se rend.

Fanon n'est pas un théoricien de la négritude, il refuse de participer à l'édifice du Noir comme entité "naturelle" ; il déconstruit l'oppression et les formes de dominations (économiques, idéologiques, linguistiques...) pour proposer un programme humaniste et internationaliste...
En 1961, avec Les damnés de la Terre, Fanon fait un exposé socio-psychologique des conséquences de la colonisation sur les colonisés, partant d'observations objectives alliées au paradigme marxiste et alimentées par la réalité des mouvements de libération, en particulier algérien. Se rajoute à son livre une préface très commentée de Jean-Paul Sartre. Or celle-ci est ambigüe. D'un coté elle aide à la diffusion et la notoriété du livre et des idées de Fanon, d'un autre l'aspect dithyrambique -et ultra-gauchiste- du texte de Sartre fait de l'ombre à la précision dialectique de l'auteur, à ce qui relève des constats de la production de la violence révolutionnaire par le système colonial (ce que fait Fanon) et la glorification mythifiée de la lutte armée (ce que fait Sartre).

L'année où sortent Les damnés de la Terre, il est fauché par une leucémie. L’hôpital de Blida porte aujourd'hui son nom, de même que des rues et des avenues en Martinique et en Algérie. Il est cité dans des chansons de LKJ, Rage Against the Machine, KRS-One, ou en France par La Rumeur, M.A.P. ou Casey. Sa pensée est encore vivante...


Ses écrits :
- L'expérience vécue du Noir, dans la revue Esprit, 1951.
- Peau noire, masques blancs, 1952.
- L'An V de la révolution algérienne 1959.
- Les Damnés de la Terre, La Découverte, 1961.
- Pour la révolution africaine, 1964.

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