mercredi 20 juin 2012

Case Départ

Dernière chronique sur les comédies françaises "noires" et changement de décor pour cette fable humoristique qui aborde un thème des plus casse-gueules : l’esclavage...



CASE DEPART - Thomas Ngijol,
Fabrice Eboué & Lionel Steketee (2011)


Conseiller municipal marié à une blanche et père d'une petite fille, Régis Grosdésir (Fabrice Eboué) fait tout pour oublier et faire oublier ses origines antillaises. Sorti fraîchement de prison, son demi-frère Joël (Thomas Ngijol) vit encore chez sa mère et offre un bien piètre exemple à sa fille... Les deux homme que tout oppose sont pourtant réunis à la Martinique, pour la mort de leur père, espérant un héritage conséquent. Pour tout legs, ils se retrouvent avec le certificat d'affranchissement de leurs ancêtres. Dépités les frères le déchirent, provoquant l'ire d'une vieille tante qui les envoie en 1750.
Capturés puis vendus comme esclaves, renommés Gaspard et Gédéon, ils doivent couper la canne dans la plantation de M. Jourdain, sous les ordres du sadique contremaître M. Henri (David Salles). Joël et Régis s'adaptent comme ils peuvent et rencontrent leurs ancêtres Isidore et Rosalie (Eriq Ebouaney & Stefi Celma)...

Passer d'un succès télévisuel au grand écran, beaucoup s'y essayent. Rare sont ceux qui transforment l'essai ! Rajoutez à ça un thème casse-gueule tant la critique et les médias ne laisseront passer aucun faux-pas sous prétexte de lutter contre le "communautarisme". Thomas Ngijol et Fabrice Eboué se tire très bien de ce premier long métrage ! Ils manient un humour ciselé, souvent noir et parviennent à faire rire tout en traitant vraiment de l'esclavage et des problèmes d'identité dans la société française.

C'est même une véritable performance d'équilibristes que réalisent les deux comiques. Ils concentrent les rires sur eux-mêmes, tandis que tout autour répond à un soucis de réalisme. De la représentation du quotidien des plantations, au marché aux esclaves en passant par le petit monde autarcique de la famille de planteurs, le tableau esquissé répond à une volonté de réalisme des réalisateurs/comédiens.
On sent que Ngijol et Eboué ont travaillé, lu des ouvrages sur l'esclavage, regardé des films (on ne peut s'empêcher de penser à Roots lors des scènes où ils tentent d'échapper aux chaînes, courant à travers champs et forêts). Il en ressort sans conteste un film comique maniant avec subtilité l'humour décalé et présentant un tableau crédible de l'esclavage dans les Antilles françaises.

Quelques ressorts restent pour moi assez obscurs (comme le gimmick récurrent du contremaître), mais c'est peu face au reste. La scène où ils discutent avec un commerçant juif qui les cache est un exemple de l'humour ciselé et corrosif qui fait la force du film et le met à l'abri des critiques les plus réacs.

Le DVD vaut vraiment le coup. Il comporte des scène coupées, dont certaines vraiment tordantes et d'autres plus sérieuses, un "bêtisier" plus intéressant que la normale et un making of très complémentaire du film où les deux jeunes auteurs  précisent leurs intentions (et qui est venu confirmer mes appréciations du film). On peut y voir le troisième réalisateur, plus expérimenté, Lionel Steketee (par exemple assistant de réalisation sur Hotel Rwanda).

L'essentiel du casting est composé de figurants cubains, et les seconds rôles sont confiés pour la plupart à des actrices et acteurs peu connus, bien que très convaincant. En particulier pour David Salles qui incarne un parfait contremaître retord et violent. Idem pour Michel Crémadès, dont la séquence représente parfaitement l'humour millimétré voulu par Eboué et Ngijol.
On peut citer aussi Jean-Claude Duverger (30° couleur) ou Eriq Ebouaney qui incarna Lumumba dans le film éponyme de Raoul Peck.
Bien entendu, il y a aussi quelques membres de la bande du Comédie Club (Blanche Gardin, Wahid Bouzidi et Youssoupha Diab) ainsi que le rapeur old school Doudou Masta et sa voix de stentor qui campe un chef de neg'marrons.

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