mardi 30 octobre 2012

Honeybaby, Honeybaby

Après le drame politique Together for Days, Michael Schultz s'essaie au film d'action...

HONEYBABY, HONNEYBABY - Michael Schultz (1974)

Laura Lewis (Diana Sands), surnommée "Honeybaby", gagne un voyage au Liban par l'intermédiaire d'un jeu télévisé. Le présentateur dudit jeu, Sam (Seth Allen), l'accompagne ainsi que son petit frère encombrant Skiggy (J. Eric Bell).
Alors qu'une femme qui était à bord de son bateau est arrêtée, Honeybaby se retrouve embarquée dans un complot politique international qui a conduit à l'assassinat d'un important leader africain.
Liv (Calvin Lockhart), un beau mercenaire, va tout à la fois la courtiser et lui prêter assistance dans ses déboires...
Avant d'enchaîner des comédies grand public plus ou moins réussies, le réalisateur afro-américain Michael Schultz s'essaye au film d'action politique, surfant sur le succès des actrices du moment : Pam Grier et Tamara Dobson.  Le voilà donc aux commandes d'un film moyen au final, parfois titré Three Days in Beirut, mais qui regorge d'idées et bénéficie d'une réalisation maîtrisée (même si le film n'est visible que dans une copie de mauvaise qualité et ignominieusement recadrée). On peut aussi apprécier les décors de carte postales qui change des ambiances urbaines propres à la blaxploitation.
Le producteur Jack Jordan aligne quelques projets de la période blax comme Georgia, Georgia (avec Diana Sands dans le rôle titre) et Ganja & Hess).

L'alchimie Diana Sands/Calvin Lockhart opère et, pour peu qu'on le veuille, on se laisse porter par l'intrigue un peu fourre-tout et on sourit aux scènes d'action à quelques scène d'action (et à la fois assez réaliste puisque l'héroïne n'est pas une spécialiste des armes).
C'est le dernier film de Diana Sands (A Raisin in the Sun, The Landlord, Georgia, Georgia et Willie Dynamite) qui est fauchée par un cancer avant même sa sortie. Quant à Calvin Lockhart, il continue encore sa carrière de beau ténébreux aux allures de dandy en particulier dans The Baron et la comédie de Sidney Poitier Let's Do It Again. Thomas Baptiste incarne un méchant sans scrupule (après avoir été l'ami de Shaft dans Shaft in Africa) tandis que J. Eric Bell ne réussit pas à rebondir après ce rôle comique en demi-teinte (la même année il a un petit rôle dans The Education of Sonny Carson).

samedi 27 octobre 2012

Trouble Man

Retour à la blax avec Fureur noire, film d'action assez typique de la Blaxploitation...

TROUBLE MAN - Ivan Dixon (1972)

Mister T. (Robert Hooks) est un détective privé, mais il trempe aussi dans pas mal d'affaires louches. Entre deux parties de billard (où il excelle), Mister T. redresse les tords, secourt la veuve et l'orphelin et aide ses amis.
Chalky Price (Paul Winfield) et son associé Pete (Ralph Waite) demande de l'aide à Mr. T, prétextant des braquages de leur tripot clandestin... mais c'est un piège qu'ils lui tendent. Ils mettent en place un faux braquage pour couvrir le meurtre d'un homme de main de Big (Julius Harris), un rival.
La police et Big tiennent "T" pour responsable. Mais la police n'a aucune preuve, et Mister T convainct le malfrat de son innocence.
Il tente alors d'organiser une rencontre entre Chalky et Big...
Ivan Dixon débute comme doublure de Sidney Poitier dans La Chaîne, joue dans de nombreux films pré-blaxploitation dont le drame Nothing But a Man où il tient le premier rôle. Il réalise quelques épisodes de séries comme The Bill Cosby Show ou Room 222.
Mais son fait de gloire reste pour moi l'étonnant brûlot révolutionnaire The Spook Who Sat by the Door.

Moins militant, son Trouble Man, est considéré à juste titre comme un soul movie classique au personnage central plutôt sympathique. En effet, Robert Hooks campe un héros classe, froid, qui multiplie les conquêtes (on échappe pas au genre !) et ne trempe pas dans la prostitution. De surcroit, il balance des punchlines magiques telles que : "Let Whitey ride in the back of the bus this trip" (quelque chose comme "dans cette voiture, c'est le Blanc qui monte à l'arrière"). Bref, on en arrive presque à regretter que le projet n'ait pas eu de suite.Le scénario de John D.F. Black (à qui l'on doit l'adaptation de Shaft) est bien ficelé, les personnages secondaires bien travaillés, les décors diversifiés, et la B.O. de Marvin Gaye, assisté de J.J. Johnson et Robert O. Ragland, est devenue culte.

Le casting suit : avec Robert Hooks (rare dans les films de la Blaxploitation, surtout dans un rôle-titre), Paul Winfield, Julius Harris, Paula Kelly, Ralph Waite, le jazzman Bill Henderson, Stack Pierce (qui jouera en 1991, après Raymond St. Jacques, Ed "Cercueil" Johnson, dans A Rage In Harlem), Lawrence Cook, Virginia Capers, Tracy Reed dans un petit rôle de dernière minute, Ed Cambridge, Jeannie Bell...
Etonnante spécificité du DVD, il y a des versions originale, française et espagnole ; par contre, pour la VF les 6 premières minutes sont en VO sous-titrée en français puis passe brusquement en langue française.

mercredi 24 octobre 2012

Black Panthers

Les Français sont décidément attiré par le mouvement Black Power ! Ainsi, quelques années avant William Klein et son portrait d'Eldridge Cleaver, c'est Agnès Varda qui s'y colle...

BLACK PANTHERS - Agnès Varda (1968)

Alors qu'elle accompagne son mari Jacques Demy à Hollywood, Agnès Varda va découvrir la fac de Berkeley et ses mouvements radicaux ainsi que, dans la banlieue de Los Angeles, la petite ville d'Oakland qui vit la naissance et l'expansion éclair d'un mouvement politique inédit, mélange de marxisme et de nationalisme noir (américain) : le Black Panthers Party.
Ce parti doit sa renommée et la sympathie des masses afro-américaines à sa pratique de patrouilles armées qui contrôlent les agissements de la police. Les leaders seront rapidement harcelés et traqués par les forces répressives et racistes. et le co-fondateur du BPP, Huey P. Newton, est emprisonné pour le meurtre d'un policier (qu'il n'a pas commis).
Les "panthères noires" organisent alors un vaste mouvement de soutien...

Agnès Varda est une des premières cinéastes à s'intéresser aux Black Panthers Party, et propose un documentaire sur le vif, en l'occurence un rassemblement festif et politique de la campagne "Free Huey" (ainsi que quelques démonstrations militaires à travers Oakland et des plans de l'inquiétante police municipale).
Elle filme les principaux dirigeants qui se succèdent à la tribune : Bobby Seale, Stokely Carmichael, Kathleen Cleaver, Ron Dellums (père de l'acteur Erik Dellums, abonné aux premiers films de Spike Lee)... tout comme elle s'intéresse aux militantes et militants anonymes. Probablement dans la même période que John Evans (pour Prelude to Revolution), elle décroche aussi une interview en prison avec le ministre de la défense Huey P. Newton.

En moins de 30 minutes, Varda dresse un portrait à la fois subjectif (dans le sens où elle éprouve une sympathie certaine pour le BPP et sa cause), complet et précis des positions politiques principales du parti et de sa stratégie révolutionnaire.
Cadres et militants de base évoquent le programme en 10 points, l'égalité homme/femme, l'auto-défense face à la police, la tactique de front large avec les radicaux blancs...

Ce reportage est une vraie pépite, car sans le savoir Agnès Varda immortalise certains moments et discours qui deviendront "historiques" (Mario Van Peebles en tire plusieurs scènes qu'il reproduit dans son excellent Panther). Elle offre non seulement le premier film français sur le sujet mais aussi un des premiers documents audio-visuels conséquents sur le tout jeune parti des Black Panthers.

dimanche 21 octobre 2012

Eldridge Cleaver, Black Panther

Un an avant la sortie des entretiens de John Evans et Huey Newton, un autre cinéaste s'intéresse lui aussi aux Black Panthers...

ELDRIDGE CLEAVER, BLACK PANTHER 
- William Klein (1970)

Auteur de Soul on Ice (traduit par Un noir à l'ombre) qu'il écrit en prison, Eldridge Cleaver devient ministre de l’information du Black Panther Party (que décrit très bien Agnès Varda dans Black Panthers en 1968). Mais suite à une fusillade avec la police (et la mort du jeune Bobby Hutton) à Oakland, Cleaver est accusé de meurtre et fuit en Algérie. C'est dans cet exil algérien que William Klein réalise ce documentaire.

Ce n'est pas une biographie du leader des Panthers que livre Klein, plutôt une série d'entretiens avec Cleaver et un portrait sur le vif pendant cette période d'exil où Cleaver est à la fois recherché par la police américaine et en rupture avec la ligne politique du BPP et de ses deux responsables principaux, Huey P. Newton et Bobby Seale.

On perçoit largement que la distance de Cleaver avec la réalité sociale afro-américaine et les campagnes du parti l'amène sur la voie de la glorification de la violence et un romantisme totalement déconnecté des tâches politiques du BPP. Aux abois, paranoïaque -en partie à juste titre- et en contact avec les forces anticolonialistes africaines, Cleaver s'enfère dans un ultra-gauchisme de façade.
Je ne suis pas sûr que c'est l'intention de Klein de montrer ça, mais c'est bien rétrospectivement ce portrait de Cleaver que véhicule le documentaire, celui d'un dirigeant isolé dans un exil lointain (impression totalement inverse dans Huey P. Newton: Prelude to Revolution).

Par ailleurs, le reste de la "carrière" d'Eldridge Cleaver tend à prouver cette pente gauchiste :
lors de son retour aux USA, il tentera de se présenter en tant que Républicain (chose assez cocasse pour celui qui immortalisa le slogan "I Fuck Ronald Reagan"), puis s'investit dans la secte Moon, puis les Mormonds...
C'est en tant que GI que William Klein débarque à Paris, en 1948. Ce n'est que 7 ans plus tard qu'il retourne aux Etats-Unis. D'abord photographe, il produit des livres qui font date sur New York, Rome, Tokyo, Moscou ou Paris. Il se lance dans des courts métrages, travaille avec Louis Malle sur Zazie dans le métro, puis prend définitivement son envol comme réalisateur de films (Qui êtes-vous, Polly Maggoo ?, Mr. Freedom, Le couple témoin...) et de documentaires. Dans les deux cas, l'engagement est toujours présent : pour la victoire du Viêt Minh (Loin du Vietnam avec Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Agnès Varda), les mouvements anti-impérialistes (Festival panafricain d'Alger).
Klein affiche une solidarité pour les Afro-Américains et les Noirs en général ; outre ce documentaire, il signe aussi Muhammad Ali, the Greatest et The Little Richard Story.

jeudi 18 octobre 2012

Huey P. Newton: Prelude to Revolution

En parallèle de sa filmographie "officielle", John Evans compte aussi à son actif des entretiens filmés avec le leader des Black Panthers...

HUEY P. NEWTON : PRELUDE TO
REVOLUTION - John Evans (1971/1998)
Incarcéré depuis 1967, Huey P. Newton accorde des entretiens au cinéaste John Evans.
Co-fondateur du Black Panther Party (avec Bobby Seale), Newton a été arrêté pour le meurtre d'un policier à Oakland. Il est libéré en 1971, après l'annulation de sa condamnation par la Cour d'appel de Californie et grâce à la conjonction du système de défense adopté par son avocat -Charles Garry, qui participe à l'interview- et au mouvement de masse pour sa libération.
Restauré par Xenon en 1998, le petit plus de ces images c'est aussi qu'on les doit à un réalisateur atypique de la blalxploitation : John Evans. Lorsqu'il se rend dans la cellule de Newton pour l'interviewer, il n'a encore réalié que le plutôt mauvais Speeding Up Time. Il sortira dans les années qui suivent The Black Godfather puis Blackjack. On se rend compte ici qu'Evans a une solide culture politique et participe probablement aux luttes afro-américaines.

En 35 minutes, Newton expose très clairement les fondements du racisme aux Etats-Unis, la stratégie nationaliste et révolutionnaire du parti, ainsi que la tactique de guérilla avec l'implantation de foyers révolutionnaires dans la communauté afro-américaine.
Il évoque la répression qui vise le Black Panther Party (avec la fusillade qui causa la mort de Bobby Hutton et des blessures puis la prison pour Eldridge Cleaver) et plus généralement les assassinats politiques des grands leaders comme Malcolm X et Martin Luther King, la politique du parti vis-à-vis des pauvres ou de la "black bourgeoisie" (avec un petit accent français)...

Ce qui saute aux yeux c'est la précision de métronome avec laquelle Newton répond aux question d'Evans et expose avec une facilité déconcertante la ligne du parti et le célèbre "programme en 10 points". Si le discours est daté, Newton a une vision politique pertinente et en lien avec les réalités de l'époque (loin des réponses hallucinées d'un Eldridge Clever dans le film de William Klein).

mardi 16 octobre 2012

Blackjack

Dernier film en tant que réalisateur pour l'iconoclaste John Evans...

BLACKJACK - John Evans (1978)

A sa sortie de prison Roy King (Damu King) retrouve ses amis et anciens co-détenus qui partage le même intérêt pour le blackjack que leur a enseigné Joe Greene (Frank Christi). S'ils y excellent c'est surtout dans le but de se faire engager dans différents casinos...
Les cinq amis et complices projettent en effet de faire cinq casses dans la même nuit,entre autre dans le casino de Andy Mayfield (Bill Smith...

John Evans propose un film efficace, dont la mauvaise copie en circulation renforce à tord le coté Z. Le soundtrack est signé par Jack Ashford (percussionniste génial des Funk Brothers, le groupe central et méconnu de la Motown, auquel rend hommage le sublime In the Shadow of Motown).
La réalisation de John Evans ne s'améliore pas, l'ensemble est assez mal filmé et sans génie aucun ni effet particulier. Pourtant, ça fonctionne plus bien.

John Evans est le réalisateur de l'obscur Speeding Up Time (un des pires films la période blaxploitation) et de The Black Godfather, dont une bonne part des actrices et acteurs reviennent dans ce film : Damu King, Tony Burton, Diane Sommerfield, John Alderman, Tom Scott... Evans est aussi l'auteur d'une interview du leader du Black Panther Party éditée en 1998 : Huey P. Newton: Prelude to Revolution. Après la blaxploitation, il devient spécialiste en effets spéciaux dans des films plus ordinaires.

Le scénario (des anciens taulards alliés pour un casse historique dans les casinos de Las Vegas) rappelle étrangement le récent Ocean's Eleven. Bien sûr, si on le compare à ce blockbuster sorti 30 ans après, les différences sont criantes. Cependant on passe avec une bonne dose d'humour, un rythme soutenu et les tensions raciales en toile de fond, le film d'Evans tient la route.

Signalons deux petits acteurs afro-américains : Paris Earl et Ted Harris qui jouent respectivement dans Halls of Anger, Skin Game, Speeding Up Time et Blacula. Par ailleurs il y a aussi deux acteurs blancs habitués des soul movies : l'éternel méchant William Smith (Hammer, The Thing with Two Heads, Sweet Jesus, Preacherman, Black Samson, Boss Nigger) et Frank Christi (Terminal Island et Hit !)

Un protagoniste connaîtra une carrière importante comme cascadeurs : Alan Oliney, doublure d'Eddie Murphy (des trois Beverly Hills Cop à The Adventures of Pluto Nash en passant par Vampire in Brooklyn, Dr. Dolittle, Life, Nutty Professor II : The Klumps, Bowfinger et Showtime). Il tourne dans Drum, un autre film blax, puis s'insère dans des grosses productions comme The Blues Brothers, D.C. Cab ou Moonwalker, Sister Act, Amistad et Enemy of the State, participant souvent à des projets afro-américains comme I'm Gonna Git You Sucka, Harlem Nights, Ghost Dad, The Last Boy Scout, Class Act, Deep Cover, Blue Streak, Fat Albert, Domino...

vendredi 12 octobre 2012

Speeding Up Time

Trois années avant The Black Godfather, John Evans débute par un long métrage totalement halluciné : Speeding up Time...

SPEEDING UP TIME - John Evans (1971)

Watts, 70s. Coincé entre un militant (Ojenke) qui le presse de rejoindre son organisation et sa copine Valerie (Pamela Donegan) qui espère qu'il l'amènera loin du ghetto, Marcus (Winston Thrash) cherche sa voie...
Incontestablement, ce film fait penser à Sweet Sweetback's Baadasssss Song ! Sorti la même année,  produit pour quelques dollars, "courses" de son personnage principal à travers les bas fonds de Watts ou les chantiers industriels et mise en scène parfois très "Nouvelle Vague"... Malheureusement, John Evans n'a pas le talent de Melvin VanPeebles. Et ce Speeding Up Time ne présente guère de qualités, si ce n'est d'être un film indépendant afro-américain (fait très rare encore en ce début des 70s).
Le film ne dure que 65 minutes, mais c'est long ! Les dialogues sont horriblement longs, les scènes d'action rares et monotones, à l'image de la course-poursuite la plus poussive dont la blaxploitation ait accouchée, tellement lente et inutile qu'elle en devient hilarante !
Il va de soit que le film existe uniquement en VO (et dans une copie VHS acceptable), or les trop nombreux dialogues en rendent plus obscure encore la compréhension... Malgré un réel ennui, on savoure tout de même quelques moments et on sent que l'intention de John Evans est bonne, même sa traduction à l'écran tombe à plat.

L'acteur principal Winston Thrash est inconnu au bataillon, tout comme Pamela Donegan. Eux seuls sont crédités sur imdb, mais il y a aussi Paris Earl (Halls of Anger, Skin Game et Blackjack). Coté technique, on découvre quelques noms connus comme Bob Maxwell (le chef opérateur de Van Peebles sur Sweet Sweetback... et Don't Play Us Cheap) et Michael D. Margulies qui deviendra un directeur de la photographie encore en activité, la costumière Heidemarie Rosendahl (qui suit Evans sur The Black Godfather) et l'ingénieur du son James Nelson, qui avec près de 200 films ou séries TV à son actif est le membre de la production le plus capé (il participe entre autres à El condor, Mandingo et Coonskin).

Il y a aussi Ojenke, un poète prolifique qui scande ses vers comme un rapeur avant-guardiste ; il faisait partie du célèbre groupe du Watts Writers Workshop créé après les émeutes. Quant à la BO, elle est composée par le guitariste David T. Walker, qui apparaît en live dans la dernière séquence (ci-dessous).

mardi 9 octobre 2012

The Black Godfather

Le film le plus connu de John Evans est incontestablement Le parrain noir de Harlem.

THE BLACK GODFATHER - John Evans (1974)

Rescapé d'un braquage qui tourne mal, le jeune JJ (Rod Perry) est protégé par Nate Williams (Jimmy Witherspoon), un chef important de la pègre qui lui prodigue quelques conseils pour réussir dans le business et l'engage à ses cotés.
Rapidement, JJ contrôle tout dans le quartier mais se refuse à tremper dans le trafic de drogue. S'appuyant sur le groupe de militants dirigé par Diablo (Damu King), le jeune parrain profite même de sa puissance pour éradiquer les dealers. Le trafic du gangster blanc Tony Burton (Don Chastain) est en péril et le dandy est prêt à tout pour sauvegarder ses parts de marché...
Produit par Jerry Gross (le producteur de Sweet Sweetback's Baadasssss Song), le film est réalisé par John Evans, auteur de Speeding Up Time et quatre ans plus tard  Blackjack (avec les mêmes collaborateurs), ainsi que du court Huey P. Newton: Prelude to Revolution.

Ce film est un pur produit blaxploitation. Par son casting, ses décors urbains, son soundtrack et son sujet. Mais aussi par sa réappropriation des histoires hollywoodiennes et l'adaptation totale à des personnages afro-américains ; là où Blacula était une déclinaison de Dracula, The Zebra Killer de L'inspecteur Harry ou Cooley High de American Graffitti, voici la -fausse- transposition du Parrain de Coppola.
Le budget est serré, les protagonistes relativement amateurs, l'action limitée et la réalisation sans génie particulier. Pourtant The Black Godfather est de mon point de vue une vraie réussite, alignant les codes des films de mafia combinés à ceux des soul movies des 70s.
Plus cheap que Black Caesar et sans nom connu à accoler sur l'affiche, il propose une autre vision de l'ascension d'une petite frappe jusqu'au firmament du grand banditisme, un caïd qui s'inquiète plus volontiers des ravages de la drogue pour la communauté qu'à accumuler les profits. Quant au Noir qui n'engage pas la lutte avec le puissant Blanc, il meurt de sa main... tel un funeste et récurrent symbole qui parcourt les films blax.

Comme dans tout bon film blax, la sexualité est présente -essentiellement d'un point de vue masculin- et l'on a droit à une scène d'amour suggestive. Cependant, il faut bien noter que si les femme noires sont mieux représentées que les blanches, la catégorie "femme" reste le parent pauvre de ce film avec des rôles purement sexualisés de petites choses inutiles et fragiles.

Rod Perry tourne dans une autre blax indépendant The Black Gestapo, et connaît une certaine renommée grâce à son rôle dans la série S.W.A.T. (il apparaît dans le film éponyme trente ans plus tard). Tony Burton est connu du grand public comme l'entraîneur d'Apollo Creed dans les Rocky, il joue aussi dans The Bingo Long Traveling..., Stir Crazy, The Toy et House Party 2. Damu King aligne quelques films blax  : Shaft, Black Girl, Top of the Heap, Sweet Jesus, Preacherman, Black Samson, Black Starlet, Blackjack et la série culte Roots Next Generation).
Pour le reste, les acteurs sont peu très peu connus : le bluesman Jimmy Witherspoon, Diane Sommerfield (Hitman), Kathryn Jackson (The Black Hooker, Joshua), Ernie Lee Banks (que l'on retrouve plus tard dans The Glass Shield, Bulworth et Life) et Henry G. Sanders qui jouent la même année dans Baby Needs a New Pair of Shoes ("héros" de Killer of Sheep, et pour le grand public le noir de service dans Docteur Quinn, femme médecin), Herbert Jefferson Jr. (Black Gunn et Detroit 9000) et John Alderman, acteur de films d'exploitation dont quelques blax (Cleopatra Jones, Black Samson) et de pornos.

lundi 8 octobre 2012

Quelques réalisateurs...

Entre les deux réalisateurs indépendants qui bordent la blaxploitation : Melvin Van Peebles qui en est le précurseur et Charles Burnett qui annonce par son cinéma réaliste les nouveau cinéma afro-américain incarné par Spike Lee, de nombreux réalisateurs ont percés pendant la période blaxploitation.

Dans les prochains billets, je présenterai la filmographie dequelques-uns des réalisateurs importants de cette période. Des Afro-américains comme l'indépendant John Evans et son œuvre concentrée sur 5 ans, l'inconnu et allumé Bill Brame, Ivan Dixon (dont j'ai récemment chroniqué The Spook Who Sat by the Door) ou le spécialiste des comédies apolitiques Michael Schultz qui débuta par un film d'action (Honeybaby, Honeybaby). Ou bien d'ordinaires réalisateurs blancs de films Z qui profitent de la période comme Jack Starett, Michael L. Fink, William Girdler...

mercredi 3 octobre 2012

Namibia : The Struggle for Liberation

Dernier film en date pour le père du nouveau cinéma réaliste afro-américain Charles Burnett...

NAMIBIA : THE STRUGGLE
FOR LIBERATION - Charles Burnett (2007)

Samuel Nujoma (Joel Haikali) est un jeune Namibien qui tente de travailler et de vivre sa vie dans un pays sous le joug de l'Afrique du Sud et de son régime politique : l'apartheid. Témoin de l'impunité des patrons afrikaaners et de la violence de l'armée, Samuel entre tôt en résistance. Il se lie d'amitié avec le père Elias (Danny Glover), un prêtre sympathisant de la cause indépendantiste.
Une décennie plus tard, Sam Nujoma (Carl Lumbly) décide de résister activement contre la colonisation sud-africaine et crée le SWAPO (South West Africa People's Organization). Soutenu par le bloc soviétique et aidé militairement par Cuba, Nujoma se lance dans un double combat, la lutte armée contre l'oppresseur et la reconnaissance de la Namibie à l'ONU...
Ce film n'est pas un chef d'oeuvre, mais il ne faut pas bouder son plaisir devant cette fresque historique sur une guerre de libération nationale peu connu en France.
Charles Burnett s'éloigne définitivement de sa patte néo-réaliste (Killer of Sheep et My Brother's Wedding), il s'intéresse cette fois à Sam Nujoma, premier Président de la République de Namibie, et à son combat pour l'indépendance de son pays. Si le réalisateur est un Afro-Américain, la production est africaine, en particulier l'Etat namibien qui en finance la plus grosse part. Burnett et ses producteurs ne se sont manifestement pas entendus et le film qui dure initialement deux heures et demi, a été tronqué de 40 minutes (parfois assez maladroitement) dans la version DVD, par ailleurs pauvre en bonus.

Burnett concocte des plans sublimes des déserts namibiens ainsi que de plans méticuleux pour planter les ambiances mais l'amateurisme du casting pose ici quelques problèmes qu'il avait su pallier dans ses deux premiers films. La musique est confiée à Stephen James Taylor, collaboration déjà éprouvée sur To Sleep with Anger et The Glass Shield (il signe aussi la BOF de Phantom Punch de Robert Towsen).
Durant presque deux heures, Burnett arrive à mixer l'intensité dramatique et la précision politique (on croise même parmi quelques personnages historiques Frantz Fanon lorsqu'il était diplomate pour le jeune Etat algérien). Il en ressort un film très intéressant, qui emporte peu à peu le spectateur de l'empathie pour le personnage principal vers une solidarité envers son combat. Des déserts de Namibie aux bans de l'ONU, des salles de tortures des Sud-Africains aux QG de la guérilla, Burnett arrive à exposer avec précision les termes du conflit.

Contrairement aux croyances véhiculées à l'école, l'Allemagne a bien eu des colonies, en l’occurrence la Namibie ; et suite à la défaite de 1918 l'Afrique du Sud devient la puissance coloniale, sur décision de l'ancêtre de l'ONU, la SDN. Comme dans de nombreux pays d'Afrique, la lutte pour l'indépendance de la Namibie se transforme dans les années 70 en une guerre de guérilla. Et comme dans l'Angola voisine, Cuba enverra des troupes, des armes et des formateurs militaires pour aider les résistants. Argument du "péril rouge" derrière lequel se cache les Etats-Unis pour soutenir presque jusqu'au bout la colonisation et le régime d'apartheid imposée par les Afrikaaners, comme ils ont participé à la chute de Patrice Lumumba au Congo et cachée son assassinat. En Namibie cependant, l'issue est plus positive puisque le pays accède à l'indépendance le 21 mars 1990 ; et Sam Nujoma en devient assez logiquement le premier Président.
 
Du coté de l'équipe technique, on retrouve peu de grands noms : seulement le directeur de la photographie John L. Demps Jr. qui débute dans Menace II Society (puis travaille sur The Walking Dead, Fear of a Black Hat, The Visit ou encore Phat Girlz) et Leo Phiri comme assistant de réalisation (poste qu'il occupe justement sur Lumumba, de Raoul Peck).
Idem pour les actrices et acteurs qui sont pour la plupart amateur (on reconnaît là l'habitude de Burnett), sauf la tête d'affiche Carl Lumbly (To Sleep with Anger, South Central, How Stella Got Her Groove Back, Men of Honor) et Danny Glover qui promeut le film par sa seule présence.