samedi 11 septembre 2010

Hallelujah !

Voilà donc la première perle de ces films hollywoodiens estampillés "all black cast", King Vidor profite des balbutiements du cinéma parlant pour nous offrir cette oeuvre poétique et par bien certains aspects confinant au documentaire.

HALLELUJAH ! - King Vidor (1929)



Zeke (Daniel L. Haynes) est un jeune métayer, rangé, honnète et en passe de se marier. Alors qu'il se rend à la ville pour vendre la récolte, il succombe à la fois aux charmes de l'envoutante Chick (Nina Mae McKinney) qu'aux affres du jeu de hasard. Alors qu'éclate une risque lorsque Zeke se comprend flouer, son frère Spunk (Everett McGarrity) est atteint d'une balle et meurt dans ses bras.
Zekiel devient alors un prêcheur...


Ce film est à classer dans les grands chefs d'oeuvre de l'entre-deux-guerres. il n'en reste pas moins sans ambivalence et sucite aujourd'hui encore de grands débats.

D'abord, Vidor gère tout ça avec une intensité dramatique surprenante (je pense à la mort de Spunk), à laquelle s'allient la profondeur et la complexité des décors, une multiplicité de personnages et de situations de la vie quotidienne ainsi qu'une magnifique photographie.
Et c'est avec une véritable empathie, presqu'un certain respect que King Vidor filme ses protagonistes. Il aime et connaît -autant que se peut à l'époque- les mœurs des Afro-Américains du Vieux Sud. Vidor prend son temps (presque 100 minutes au total), il laisse s'installer ses ambiances, aussi bien lors d'un repas familial que lors des prêches poignantes.

Bien entendu, il faut accrocher le spectateur, alors comme une marque de fabrique hollywoodienne (et encore plus spécifiquement pour ce qui concerne les productions utilisant les Afro-Américains), King Vidor multiplie les spirituals, les gospels et les démonstrations de claquettes, de danse, d'impros de jazz... et magnifie le répertoire si spécifique du folklore profane et religieux. Là encore, il sait tirer le meilleur de ces scènes et de ses artistes.

On n'échappe pas non plus -c'est là d'ailleurs ce que d'aucuns lui reprochent- à des stéréotypes marquants : la dangereuse "mulâtre tragique" (incarnée avec brio par Nina Mae McKinney), les pieuses mammies et les Uncle Tom et les coons, pas même au black buck (en la personne d'Hot Shot, bien que Vidor ne tombe pas dans la caricature du danger sexuel potentiel qui colle à cette figure). Par ailleurs, il n'est jamais fait mention de l'esclavage ni du "préjugé racial", mais l'on retrouve quand même cette évocation dans les chants et le lancinant "Give that old-time religion"
Alors que ces figures stéréotypées sont reprises et renforcées, j'aurais du mal à m'aventurer sur une quelconque accusation de racisme. D'ailleurs, Hollywood lui aurait-il permit cette transgression ? Gardons à l'esprit les conditions de production, le sujet inédit -ainsi que son traitement- pour des studios et la prégnance du préjugé racial dans le cinéma et la société à l'époque. Gilles Mouëllic résume parfaitement mon sentiment :
"On ne peut nier en effet le paternalisme et le caractère "tomiste" d'Hallelujah : les méchants sont joueurs, buveurs et paresseux, les bons sont de grands enfants doués naturellement pour la musique qui implorent sans arrêt le ciel. Mais, par sa dimension musicale, le film dépasse ces stéréotypes." (l'article en entier sur Africultures)

Quelques acteurs font leur premiers pas à Hollywood et dans un long métrage : le petit garçon au cheveux ras Matthew Beard (surnommé Stymie pour un de ses rôles récurrents), Eva Jessye (que l'on peut vaguement recroiser dans les années 60 avec Black Like Me et Slaves).
Un petit mot enfin sur Sam McDaniel : outre qu'il est le frère de la célébrissime Hatty McDaniel de Autant en emporte le vent, il symbolise surtout ces acteurs arrivés au mauvais moment et que les lumières de la médiatisation n'atteindront pas : il enchaîne plus de 200 apparitions dans des courts ou longs métrages et n'est que très rarement crédité, on le retrouve entre autre dans Stormy Weather.

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