mercredi 18 septembre 2013

Blue Collar

Cette comédie sociale dépasse les canons du genre pour analyser la classe ouvrière américaine et ses divisions...

BLUE COLLAR - Paul Schrader (1978)

Detroit, capitale de l'automobile, berceau de la classe ouvrière américaine. Ezekial "Zeke" Brown (Richard Pryor), père de famille nombreuse, en a un peu marre du syndicat de l'usine qui se préoccupe fort peu des revendications de ses adhérents. Entre les vexations à l'usine et la vie familiale morose, Zeke et ses potes Jerry et Smokey (Harvey Keitel & Yaphet Kotto) font quelques soirées débridées pour s'échapper du quotidien... et c'est sous l'effet de l'alcool et de la drogue que les trois amis échafaudent un plan pour dévaliser le syndicat.
Mais dans le coffre ils ne découvrent que 600 $. Par contre ils mettent la main sur un livre de compte qui fait apparaître des prêts suspects. Et le trio d'amis se met en tête de faire chanter les dirigeants syndicaux...
Paul Schrader était un scénariste reconnu pour son travail sur Taxi Driver. Il passe pour la première fois derrière la caméra et dirige cet excellent et trop méconnu Blue Collar. Le budget est des plus confortable et avec ses 1,7 millions de Dollars, Schrader se paye un joli trio d'acteurs principaux : le  comique ultra-populaire Richard Pryor, le jeune premier Harvey Keitel (qui brille la même année dans l'intéressant Fingers) et le -déjà- vieux routard Yaphet Kotto.

Et ces trois-là vont jouer un trio de héros rares au cinéma : des ouvriers d'une usine automobile de Detroit.
La classe ouvrière est bien peu représentée dans le cinéma en général, et durant la vague soul en particulier ; Sidney Poitier invente des héros ouvriers pour ses comédies Uptown Saturday Night et Let's Do It Again et, dans un style totalement différent, Charles Burnett montre l'aliénation d'un ouvrier ordinaire dans Killer of Sheep. En commençant Blue Collar (et avec Pryor au casting, et doublement représenté sur l'affiche promotionnelle !), on imagine être plus prêt du comique des premiers que du réalisme dramatique du second. Erreur ! Paul Schrader nous plonge dès le générique dans les ateliers bruyant, à chaque poste de la chaîne de montage... et dans une réunion syndicale.
Ainsi pour qui aborde ce film comme une énième comédie de Pryor, on est vite décontenancé. Certes il apporte un peu d'humour dans un registre pince-sans-rire. Heureusement ! Car c'est bien un drame tragique que livre Paul Schrader, une chronique pessimiste où des ouvriers s'en retrouvent à s'opposer à leur syndicat corrompu plutôt qu'à leur patron. Et, tel une Cassandre moderne, Smokey -joué par Yaphet Kotto- répète : "Ils montent les vieux contre les jeunes, les Noirs contre les Blancs. Tout pour nous garder à notre place."

La distribution est bien faite et chacun des acteurs principaux fait vivre son personnage. Celà relève d'ailleurs d'un exploit puisque Richard Pryor, Harvey Keitel et Yaphet Kotto se seraient plus que cordialement détestés et ne pouvaient rester ensemble hors des moments de tournage. Les problèmes d'alcoolisme de Pryor n'arrangeant rien, il aurait même braqué Schrader avec une arme pour un caprice de star.
On peut croiser de petits seconds rôles déjà apperçu dans la blaxploitation : Gloria Delaney (Black Girl, The Human Tornado, A Piece of the Action, Deliver Us From Evil, Penitentiary, Crossroads) et Almeria Quinn (Top of the Heap et Friday Foster)...

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